#276 Mohamed Lahna 🇲🇦 : Ne rien lâcher pour montrer l’exemple

Quand il était enfant, il jouait souvent au foot dans le quartier. Mais il rentrait parfois en pleurs à la maison car ses copains se moquaient de lui… Et pour cause, Mohamed Lahna est né sans fémur droit. Mais il a vite appris à surmonter les défis et aujourd’hui plus rien ne l’arrête. 👊

Il découvre le VTT avant de tomber dans le triathlon où il arrive au plus haut niveau et décroche même un podium à Rio en 2016. 🏆

Mais ce n’est pas tout, il nous fait part de ses différents défis sportifs comme la traversée du détroit de Gibraltar à la nage, Kona ou encore le projet Lowest Highest qui a pour but de rejoindre le point le plus bas au point le plus haut de chaque continent (le tout à une jambe). 🤯

Mohamed nous raconte l’histoire émouvante d’un petit garçon né au Maroc sans fémur droit et qui est devenus un des meilleurs athlètes paralympiques au monde capable de surmonter tous les obstacles. 💪

Aujourd’hui, il a intégré l’équipe USA Triathlon en tant que triathlète professionnel. 🇺🇸

🔎 Retrouvez ce superbe échange avec Mohamed qui est une fois de plus une belle leçon d’humilité et d’inspiration, et notre invité sur Instagram.

Bonne écoute ! 🎧

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Ce podcast, co-animé par Olivier DE SCHUTTER et Ermanno DI MICELI est proposé par OHANA Triathlon , et vous accompagne dans votre démarche pour Devenir Triathlète ! 🖇 N’oubliez pas de laisser une revue : https://ratethispodcast.com/ohana

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📝 La retranscription de l’épisode

Ermanno : Salut les sportifs c’est Ermanno et vous écoutez un nouvel épisode du podcast devenir triathlète, à mes côtés pour co-animer cet épisode : Olivier De Schutter, le fondateur de la marque Ohana, salut Olivier ! 

Olivier : Salut Ermanno ! 

Ermanno : Cette semaine nous avons un super invité qui nous a été recommandé par Philippe Martin à savoir Mohamed Lana. Salut Mohamed  ! 

Mohamed : Salut Ermanno, salut Olivier !

Interviewer : Mohamed nous avons une tradition dans ce podcast : se consacrer les premières minutes à notre invité pour qu’il se présente. Donc dis-nous : qui est Mohamed Lahna, quel âge as-tu, que fais-tu dans la vie, où habites-tu et comment s’est passée ta première rencontre avec le sport ?

Mohamed : Je m’appelle Mohamed, je suis né à Casablanca, j’ai 39 ans, je suis né avec une malformation au niveau de ma jambe droite assez similaire à une amputation fémorale sauf que c’est un handicap de naissance. Au Maroc j’ai grandi avec tous les enfants en jouant au foot jusqu’à l’âge de 10-11 ans. Mon père a fait connaissance avec un champion paralympique de natation, parce que mon père est chauffeur de taxi. Au lieu de le ramener à la natation, il l’a ramené à la maison pour me voir. Je me rappelle bien de ce gars-là, il était très grand avec des mains très grandes et tout, donc moi j’étais très timide à l’époque et je voulais me cacher derrière ma mère. Il voulait me parler de ce qu’il faisait donc jusqu’à maintenant il est le seul champion paralympique de natation au Maroc qui a une médaille paralympique. Puis il m’a ramené avec lui un jour dans ses séances d’entraînement et c’était la première fois pour moi que je voyais une piscine et à l’époque il s’entraînait pour un événement donc il m’a demandé de m’asseoir au bord de la piscine et d’attendre qu’ils finissent ses entraînements. Moi j’étais impressionné, c’était la première fois que je voyais une piscine. Le maître nageur était passé à côté de moi et m’a demandé « toi ! qu’est-ce que tu fais ici ? tu sais nager ? », et j’ai dit « oui je sais », et il m’a dit « montre-moi ». Et sans hésitation, je saute dans l’eau et je me retrouve tout en bas de la piscine. C’était ma première expérience avec la natation.

Olivier: Sauf que tu ne savais pas nager ?

Mohamed : Non, je n’étais jamais allé à la piscine.

Olivier: Et toi tu as sauté à l’eau, tu n’avais pas peur.

Mohamed:  J’avais peur qu’il me mette dehors donc c’est pour ça que j’ai dit « oui je sais nager ». C’était ma première expérience, après ça j’avais envie d’apprendre à nager. On avait une seule piscine à Casablanca à l’époque, c’était difficile d’avoir des heures d’entraînement et c’était un peu cher pour mes parents aussi donc après une galère pour aller à la piscine j’y allais une fois par semaine pendant des années. Moi j’étais heureux avec ça parce que ça m’a permis d’apprendre à nager, de participer à des compétitions locales, mais c’était pas assez pour progresser, pour apprendre à nager, pour faire des compétitions de haut niveau, donc on a laissé tomber. Mes parents m’ont demandé de me concentrer sur mes études donc après mon baccalauréat j’ai fait l’équivalent d’un BTS en France en art graphique et après j’ai commencé à travailler dans une agence de communication au Maroc. Ma vie était travail, maison, rien de spécial. Puis mon père a entendu parler d’un centre des anciens combattants de France à Casablanca, un jour il m’a ramené là-bas car ils ont un service d’appareillage. Et puis par chance, par hasard, il y avait un stage d’apprentissage pour les prothésistes marocains par un prothésiste français qui s’appelle Jean-Luc Clemençon, qui habite en Alsace. Il avait un stage, un raid VTT entre des amputés marocains et français, et il m’a demandé “est-ce que tu as envie de participer ?” Alors encore une fois j’avais jamais fait de vélo avant, mais j’ai dit “ok pourquoi pas”. Après une année, on se retrouve à la ligne de départ pour cette aventure, j’avais le vélo un mois avant le départ donc pour la première fois à essayer d’apprendre. J’avais pas de casque ni de chaussure, rien, juste l’aventure. Et ça c’était la première fois que j’ai appris à faire du vélo et j’ai adoré parce que tu sens le vent, tu commences à bouger un peu rapidement, j’ai commencé à faire un peu d’aventure. À l’époque, il y avait un nouveau prothésiste qui venait au Maroc qui venait de Toulouse, on est devenu très amis jusqu’à maintenant. Lui il m’a ramené dans la forêt à côté pour apprendre et c’était une belle expérience pour moi. Ce raid-là  était 500km de moyenne classe, cette expérience-là c’était pour moi une expérience qui m’a ouvert les yeux : d’abord voir des amputés de France avec différentes amputations, tout le monde en short et bien équipés. Dans le côté marocain on est tous en pantalon pour cacher notre handicap, donc j’ai observé tout ça pour voir la différence. Et ça a commencé à changer : ça c’est mon handicap, je vais vivre avec ça, je ne vais pas moi aussi le cacher. On a fait 500km, c’était une magnifique expérience, c’était la première fois que je visitais l’Atlas, le Moyen Atlas, c’est la première fois que je visitais mon pays et il y avait un sens de liberté que je n’avais jamais ressenti avant. Après on a été invité à un autre raid dans les Vosges l’année suivante. C’était aussi un truc de fou, j’ai adoré, et c’est là où j’ai un jour parlé avec Jean-Luc Clemençon, le prothésiste, qui a aussi une organisation en France. On parlait d’autres participants et il m’a dit “celui-là fait du triathlon”, et j’ai dit « c’est quoi le triathlon ? », et il m’a expliqué que c’était natation, vélo et course.

Ermanno: Et je parierais que tu en avais jamais fait, et il t’a proposé et t’as dit « allez vas y c’est bon j’y vais ».

Mohamed : Hahahaha, non, presque, mais à l’époque mon français était vraiment pas terrible et je lui ai demandé d’écrire le mot “triathlon” sur un bout de papier parce que pour moi c’était un peu compliqué. J’ai pris le mot et quand je suis rentré chez moi je suis allé chercher sur internet et j’ai commencé à regarder qu’est-ce que le triathlon, les distances, Iron Man et tout ça, c’est beaucoup d’informations. Mais à l’époque je faisais beaucoup de natation, j’avais un vélo mais mon prothésiste et mon docteur m’ont dit que je ne pouvais pas courir. On a essayé de trouver une chaise roulante et c’était très cher, presque 3000$ pour acheter une chaise roulante de course, donc on a essayé de trouver en France on a pas trouvé c’était impossible. C’est une longue histoire parce qu’on a fini avec mon ami Patrice à fabriquer pendant un mois la nuit une chaise roulante de course. Et puis longue histoire j’ai pu commencer avec la chaise roulante, après j’ai commencé à courir, puis j’ai quitté mon travail, je suis allé en France pour vivre là-bas et m’entraîner, puis je suis allé aux États-Unis en 2009. Depuis j’ai envie de faire toutes les distances, sprint, half Iron Man, Iron Man, etc… Et puis de me concentrer pour les jeux de Rio en 2016 et puis voilà, on est là.

Mohamed : Wow, en quelques minutes tu nous as fait toute la présentation de Mohamed Lahna, il va falloir qu’on revienne beaucoup sur des étapes en arrière. Déjà tu nous a expliqué que tu jouais au foot avec des camarades malgré ton handicap, donc on le rappelle tu nous l’a dit, c’est un handicap naturel, c’est-à-dire que tu n’as pas été amputén tu n’as pas eu un accident : tu es né comme ça. Comment est-ce qu’on fait pour jouer au foot quand il nous manque une jambe, la hanche, et autre ? Tu avais un pied par terre qui tapait dans le ballon et puis tu te déplaçais avec des béquilles ?

Mohamed : Quand j’étais petit, la différence entre mon pied et la jambe était un peu courte, donc mon père me ramenait chez le cordonnier et me mettait de la mousse pour faire l’équivalent. À chaque fois que je grandissais il ajoutait une autre et de différentes couleurs : bleu, vert, à certains moments je jouais avec ça c’était comme une chaussure mais avec une épaisseur. Mais après quelques années c’est devenu dangereux, ça se cassait tout le temps, j’ai changé de béquilles. Donc à l’époque il m’avait ramené chez le menuisier qui m’a fait des béquilles en bois et je les cassais tout le temps et après il a trouvé des béquilles en fer qui ne se cassaient pas, et là c’est resté pendant des années. On jouait avec les autres enfants. Dans mon quartier j’étais le seul avec les béquilles donc les autres avaient peur de moi parce qu’ils avaient peur que je leur fasse mal avec les béquilles, mais quand j’étais dans une école avec des personnes avec d’autres handicaps on jouait tous au foot, c’était magnifique.

Interviewer : De bons souvenirs. Du coup tu as fréquenté une école spécialisée pour les enfants handicapés ?

Mohamed Oui, en primaire.

Interviewer : Est-ce que justement, avoir été confronté à jouer au foot avec des valides puis après avoir plutôt pratiqué du sport avec d’autres personnes handicapées ça t’a appris beaucoup de choses, tu étais peut-être encore jeune mais, est-ce que ça fait mûrir plus vite sur certains sujets et notamment l’acceptation de ton handicap ?

Mohamed : Je me rappelle bien que quand je jouais avec les enfants, même de 10 à 14 ans, parfois quand on perd un match ou que quelqu’un marque un but ou tu fais une mauvaise passe, les autres gamins insultent et parfois je pleurais à cause de ça. Je rentrais à la maison et ma mère, je me rappelle bien, ne me chouchoutait jamais. Elle ne me ramenait pas à la maison, elle ne me défendait pas, elle me poussait : « reviens et défends-toi ! ». Donc à chaque fois, elle me fermait la porte et me laissait gérer ça. Donc avec le temps j’ai commencé à ignorer ce que les autres disaient, c’est une leçon qui est restée avec moi toute ma vie.

Ermanno : Et du coup tu nous as dit qu’après tu avais découvert la piscine grâce à ce client de ton papa qu’il avait ramené dans sa voiture et au lieu de le ramener à la piscine il l’a ramené chez toi. Déjà c’était super sympa de la part de ce grand athlète, ce grand champion, de venir chez toi pour te rencontrer. Pourquoi à ton avis est-ce qu’il y avait cette envie de partager entre une personne paralympique et puis quelqu’un qui peut-être devrait accepter son handicap ? Ou peut-être qu’il sentait sans même t’avoir connu, peut-être par rapport à ce que racontait ton père, qu’il y avait des capacités en toi qui te permettraient de représenter le Maroc dans les plus grandes instances internationales ?

Mohamed : Oui ce moment était dingue, y’a pas d’explication c’est juste le destin, il y avait aucune raison. Mon père a dit “j’ai un enfant qui a 10 ans qui est né avec cet handicap”, et lui je sais pas, c’était un moment magique qui a changé ma vie. Le fait qu’il soit venu chez nous, qu’il m’ait ramené avec lui à une séance au dernier moment, je sais pas ce qui l’a poussé à faire ça mais ça a changé la vie d’un athlète et d’une famille. Et je le garde toujours dans ma mémoire quand quelqu’un me parle d’un autre enfant, je me rappelle de ça et j’essaie de faire de mon mieux pour connecter avec les autres. Je sais que ça a un impact parce que quand on ne voit pas on ne sait pas, à l’époque je ne savais pas qu’il y avait une piscine au Maroc, je ne savais pas qu’il y avait un champion de natation. Donc avec le fait de le connaître en personne, tu commences à y croire et à te dire que c’est possible. C’est très fort et important, quand on ne voit pas, on ne touche pas les choses avec les mains, on n’y croit pas.

Olivier : Et à quel moment tu t’ai dit : “j’ai envie de faire de la compétition et j’ai envie de gagner des courses” ?

Mohamed : Après l’incident qui s’est passé dans la piscine, j’ai dit que j’avais envie d’apprendre à nager. Mes parents n’avaient pas les moyens de payer l’abonnement et tout ça et à l’époque j’étais à l’école primaire avec d’autres personnes avec des handicaps donc on est allé voir une association. Cette association a un club de natation pour handisport mais c’était que des adultes donc je me rappelle être allé parler avec l’entraîneur et elle m’a dit “désolé, on a pas de programme pour les jeunes on a que les adultes, attend d’avoir 15-16 ans et après tu pourras nous rejoindre”. Je me rappelle bien, j’étais à l’extérieur de l’organisation avec un autre ami et j’ai commencé à pleurer pendant longtemps, puis l’entraîneur est venu me voir et m’a dit « pourquoi tu pleures ? », et j’ai dit « j’ai envie de nager, j’ai envie blablabla ». Et elle m’a dit “si tu me ramènes cinq ou six personnes de ton âge avec un handicap, je vais essayer de faire quelque chose pour vous”. Donc on est rentré à l’école et on a demandé à la classe qui voulait apprendre à nager et on a ramené je sais pas combien de personnes. Puis on a commencé ce programme avec eux, une fois par semaine. Après un mois tout le monde a quitté sauf moi. J’ai une photo où j’étais le seul jeune avec cette équipe, une équipe magnifique.

-Ermanno : Et qu’est-ce qui fait que toi tu es resté ? Pourquoi les autres sont partis et toi tu es resté ?

Mohamed : Encore une fois j’ai vu ce champion paralympique et puis j’avais envie de nager. Une histoire marrante aussi, pour commencer à nager on devait avoir la ceinture pour nous aider à flotter donc l’entraîneur nous a demandé d’acheter une bouée. Ça coûtait à l’époque 25€ environ, et mon père a pris longtemps pour avoir l’argent pour l’acheter. Le temps qu’il l’achète, je rigole pas, j’ai appris à nager. Je me suis senti très mal parce que mon père a fait un énorme effort pour l’acheter et je n’en avais plus besoin. J’ai beaucoup aimé nager, j’attendais toute la semaine ce moment-là pour aller nager. À l’époque, je prenais le bus moi-même de là où j’habitais jusqu’au centre de la ville pour aller nager chaque samedi à 10h du matin. Je sais pas, moi j’aimais et après quand quand j’étais le seul à venir pour les sessions, elle m’a mis avec les adultes et donc j’ai commencé à nager avec eux. C’était encore une autre leçon de vie parce que je voyais tous ces gens-là avec différents handicaps et puis c’étaient comme des stars pour moi parce qu’ils allaient vite, ils étaient très forts donc j’ai essayé de nager avec eux, d’apprendre à nager plus rapidement. Encore une fois, 1x par semaine c’était pas assez mais c’est tout ce qu’on avait à l’époque.

Olivier : Tu avais déjà une prothèse où tu as appris à nager sans prothèse ?

Mohamed : On nage sans prothèse mais à l’époque j’avais une prothèse artisanale. C’est-à-dire que le pied était fait en bois, en aluminium et en cuir. Il n’y avait pas de genou ni rien donc ça m’a permis de marcher. C’était très lourd et le pied se cassait tout le temps parce que c’est fait de bois donc c’était pas fait pour faire autre chose. À l’âge de 24 ans, on a fait ce stage au service des anciens combattants et c’est là où j’ai eu ma première prothèse avec articulation.

Ermanno :  Donc pendant quelques années tu as vécu sans ta prothèse, fin sans une vraie prothèse. Comment est-ce qu’on apprend à nager justement quand on a un handicap ? Alors forcément tu vas me dire que tu n’es pas valide donc tu ne sais pas par rapport à un invalide, mais est-ce qu’on apprend d’abord à flotter ? Est-ce qu’on apprend d’abord à tirer avec les bras ? Est-ce qu’on apprend à nager avec une jambe ? Comment se passent les cours de natation quand on veut apprendre à nager et qu’on est justement une personne handicapée ?

Mohamed : Ça dépend du handicap, moi j’ai une jambe qui marche donc c’est assez similaire à quelqu’un qui a deux jambes. À l’époque je faisais beaucoup d’efforts avec mes bras pour compenser, je n’utilisais pas ma jambe. On peut nager juste avec les bras.

Ermanno : En soit c’est ce que la plupart des triathlètes font, finalement.

Mohamed : Mais pas contre si tu es paraplégique tu as du poids que tu dois tirer.

Ermanno : Oui bah c’est-à-dire que tu fasses plus, tes jambes coulent. 

Mohamed : Oui c’est aussi un obstacle, donc pour un paraplégique c’est bien de nager dans la piscine avec une bouée avec des pinces juste au niveau des jambes pour aider. Pour moi c’était pas un problème, pour moi c’était d’avoir une piscine. Si on parle maintenant de natation, je nage de manière horrible, je n’ai pas une bonne technique, mon problème c’est l’équilibre. Avec deux jambes tu crées un certain équilibre et avec une seule c’est différent. 

Ermanno : Tu dois rectifier et compenser à chaque fois. J’imagine que tu as un bras plus fort que l’autre au final.

Mohamed : Donc voilà c’est juste qu’on s’adapte, en sport on s’adapte tout le temps, en natation, vélo, course à pied, on fait beaucoup d’adaptation pour y arriver.

Ermanno : Et à ce moment-là quand tu étais à fond dans la natation, enfin en tout cas tu en faisais au maximum dans la mesure du possible, à ce moment-là tu faisais des courses ? Tu avais envie de faire de la compète ?

Mohamed : Oui au Maroc, on faisait le championnat du Maroc mais c’est resté là parce que encore une fois le niveau était pas très haut, après 3-4 ans je gagnais tout le temps mais je savais que j’étais loin du niveau international. C’était pas quelque chose dont j’étais vraiment fier, ça ne reflète pas le potentiel, d’abord je pense que je peux faire bien mais aussi je sais qu’au niveau international c’était très loin. À l’époque je faisais 50 mètres en 1,19 et ma catégorie dans les Jeux paralympiques natation ils faisaient 54-55, c’est énorme. Il n’y avait pas moyen de faire de la compétition internationale.

Olivier : Et à ce moment-là est-ce que toi tu avais besoin de faire plus de renforcement musculaire du coup ? Pour justement compenser ou quoi, c’était quelque chose que tu faisais à côté de la natation ?

Mohamed : Non, à l’époque c’était juste une fois par semaine c’est tout, rien d’autre. Quand j’étais au lycée et que j’ai commencé le travail, j’y étais qu’une fois par semaine, on a gardé ça comme un club pour les amis, on faisait les compétitions au Maroc mais c’était juste pour se voir. C’est devenu un événement social avec le temps puisqu’on gagnait chaque année. 

Ermanno : À Casablanca tu disais que tu n’avais qu’un seul créneau en piscine mais si je ne m’abuse c’est au bord de la mer, vous pouviez pas aller faire des sessions en mer ?

Mohamed : Oui, ça c’est intéressant et c’est une autre histoire. À Casablanca il y a un endroit à côté de la grande mosquée, dont j’avais pas connaissance c’était un endroit secret, seulement les gens du quartier le savaient. C’était comme une piscine quand il y a la marée basse, je savais pas qu’il y avait des endroits à Casablanca où on pouvait nager sans danger. Après quand j’ai commencé le triathlon et aussi j’avais un projet de faire la traversée de Gibraltar, j’ai commencé à faire beaucoup de séances. D’ailleurs à l’époque je travaillais dans une agence de communication avec un ami qui s’appelle Patrice qui travaillait aussi comme prothésiste dans le service. On y allait avant le travail à 6h du matin, on allait nager et pour finir on allait prendre tous les deux un McDonald’s sur la plage et il y avait le gars qui arrosait les fleurs avec son tuyau et me donnait une douche, et après on allait au travail directement. Et ça c’était quand je me préparais pour la traversée de Gibraltar, deux fois par semaine tranquillement et c’était magnifique.

Ermanno : Pour revenir à tes années où tu étais plutôt nageur en piscine pour le coup, tu nous as dit après que comme tu n’avais pas assez de créneaux et tu avais pas forcément de grandes ambitions internationales et donc tes parents t’ont demandé de te concentrer sur tes études, ce que tu as fait, est-ce que du coup tu as un peu laissé le sport de côté ou tu as continué à pratiquer mais vraiment en mode de loisirs avant d’avoir une deuxième rencontre avec le sport ?

Mohamed : Une fois par semaine, et j’ai réussi à en avoir trois fois par semaine. Avec un ami on voulait nager plus, donc on est allé voir le directeur de la piscine pour demander si on pouvait avoir plus, parce qu’elle était semi-publique, c’était pas 100% privé donc on a appris qu’on pouvait essayer d’avoir un peu plus de créneaux mais c’était difficile avec l’école donc c’est revenue encore juste les samedis. Donc j’ai laissé, j’ai eu mon bac et puis je suis allé la première fois à l’université à Center, et j’ai pas aimé du tout. Il y avait pas de possibilité pour moi de continuer et je pouvais pas dire à mes parents que je voulais pas aller à l’université. Je sais plus comment j’ai pu avoir 1800 dirhams pour un abonnement annuel à la piscine : c’est libre tu vas nager à n’importe quel moment de la journée, n’importe quelle heure et tous les jours, donc au lieu d’aller à l’université j’allais à la piscine pendant une année. Mes parents savaient pas, je prenais mon sac et au lieu d’aller à l’université j’allais à la piscine passer la journée là-bas.

Olivier : Et tu nageais toute la journée du coup ? Et tu faisais combien par jour ?

Mohamed : Presque entre 3 et 4 km par jour mais faute de moyens, faute d’encadrement, j’avais pas d’entraîneur, je nageais tout seul je faisais juste des kilomètres et des kilomètres et des kilomètres. J’ai progressé un peu avant la fin de l’année, je pensais que j’allais devenir un champion paralympique mais c’était pas le cas haha. 

Ermanno : Est-ce que maintenant tes parents savent que tu as pas été à l’université parce que du coup si c’est pas le cas il ne faut pas qu’ils écoutent le podcast. 

Mohamed : Ah oui oui maintenant ils le savent mais à l’époque ils le savaient pas, cette année-là c’était une année magique pour moi, je faisais exactement ce que j’avais envie de faire. Je sais pas combien j’ai gagné au 50 et 100 mètres de nage libre mais c’était pas vraiment énorme. Donc après cette année j’ai dit à mes parents ce qu’il s’était passé et puis après j’ai fait une candidature à l’école d’art graphique et quand j’ai été accepté j’ai dit à mes parents que j’allais faire ça au lieu d’aller à l’université. Et ça c’était une bonne décision pour moi parce que c’était plus pratique, c’était un BTS qui me permettait de travailler avec l’organisation pour personnes handicapées que je représente. J’avais la chance de faire du travail en infographie donc pour moi je vais à l’école et je fais des heures de bénévolat à l’association. Il y avait un événement comme une conférence nationale pendant l’école j’avais fait toutes les affiches, toute la documentation, la création de ça. Et grâce à ce projet-là j’ai trouvé un travail, quelqu’un a vu ce que j’ai fait et il m’a trouvé un travail directement dans une agence de communication et c’était parfait pour moi. Juste après l’école j’ai commencé le travail c’était bien, et pendant que je travaillais à cette agence de communication, mon père à fait connaissance du service des anciens combattants.

Olivier : Et c’est là que tu as commencé le VTT, encore plus technique que le vélo.

Mohamed : J’ai eu ma première vraie prothèse et ça m’a ouvert la porte pour faire du vélo. Mon prothésiste et ami Patrice est toujours au Maroc, on est de très bons amis presque chaque vendredi on mettait le vtt, le camping, les tentes tout ça et on allait faire un week end de VTT et de camping, et on a fait ça pendant des années, c’était magnifique. 

Ermanno : Mais ils t’ont dit quoi tes parents du fait que tu étais allé à la piscine pendant un an au lieu d’aller à l’université ? Ils te disent quoi ? Ça se passe comment ?

Mohamed : Mes parents étaient très stricts avec l’école, mais j’avais eu un poste récemment que mon père et ma mère ne pouvaient pas lire parce que mes parents ne savaient ni lire ni écrire, ma mère n’était jamais allée à l’école, elle a commencé cette année. Donc vu qu’à l’époque ils ne savaient ni lire ni écrire c’était facile pour moi de rater l’école pour aller nager. Donc quand je leur ai dit que j’étais pas allé à l’école je leur ai dit que j’avais été accepté dans le centre d’art graphique donc pour eux le fait que j’avais déjà un plan ça leur a réduit le problème.

Olivier : La pilule était plus facile à avaler. C’est ce qu’on appelle la technique du sandwich en négociation, tu donnes une bonne nouvelle, tu donnes une mauvaise nouvelle puis tu redonnes une bonne nouvelle et ça passe. Et donc du coup tu apprends à rouler à vélo, j’imagine que tu as dû te faire quelques belles gamelles au début à VTT donc tu prends goût et tu fais ça tous les weekends pendant quelques années, puis tu fais des compètes en France aussi. À quel moment est-ce que tu passes triathlète ? Tu as quel âge à ce moment-là ? 

Mohamed : J’ai commencé le vélo à 24 ans, j’ai pas vraiment fait de courses. La seule course que j’ai faite c’était une course de VTT au Maroc, elle s’appelle à l’époque la Marrakech Trophique, c’était 3 jours en quatre étapes, c’était magnifique. Mais à part ça j’ai jamais fait de courses, on faisait des événements. Donc 2005 on a fait le raid au Maroc et en France, en 2007 j’avais envie de faire Casablanca jusqu’à aller en France en vélo.

Ermanno : Il faudra que tu m’expliques comment tu pédales sur la mère quand même.

Mohamed : Hahaha, le projet c’était de faire Casablanca et rouler à Tanger, prendre le bateau et après faire l’Espagne, puis de la France jusqu’à Nancy. Et  un ami à moi m’a presque fait toutes les étapes en Espagne et en France, malheureusement j’ai pas eu le visa pour aller en Europe, même si j’y avais déjà voyagé l’Espagne voulait pas me donner le visa, la France voulait pas me donner le visa parce que c’était un voyage en vélo, il y avait pas de d’hôtel. Donc pour moi c’était un moment triste parce qu’à l’époque j’avais commencé à avoir cette routine, chaque chaque été j’avais un projet : le premier raid au Maroc, le deuxième raid en France et là c’est un projet qui était un peu plus grand. Mais malheureusement ça n’a pas marché donc j’avais pas le visa et j’avais déjà pris un mois et demi de vacances à mon travail donc au lieu de juste revenir au travail j’ai pris mon petit frère et on a acheté un vélo et on a fait un voyage au sud du Maroc, c’était pas la même chose mais on a fait quelque chose de différent et ça m’a permis de passer du temps avec mon frère.

Olivier : Hyper cool. Et le triathlon alors ça démarre quand ?

Mohamed : Donc 2006 c’est là où j’ai appris le mot triathlon et puis avec mon prothésiste on essayait de trouver une solution pour la course à pied. À l’époque la possibilité de courir avec la prothèse c’était pas possible, donc on a travaillé sur l’option d’avoir un fauteuil roulant de course.

Olivier : Tu disais que c’était pas possible parce qu’à l’époque téchnologiquement ça existait pas ou bien c’était hors budget ? C’était quoi le frein ?

Mohamed : Non, c’était pas possible parce que mon docteur dit que c’est dangereux pour moi. Donc on a pris ce qu’ils ont dit et on a suivi l’option d’un fauteuil roulant et ça a pris 1 an et demi – 2 ans de recherche sans résultat et après mon ami Patrice m’a dit : “pourquoi pas le fabriquer nous-même ?”. Pour moi un fauteuil roulant c’est sophistiqué, c’est rapide, c’est aérodynamique tout ça. Comment on va faire ça ? Mais parce qu’il voulait m’aider il a dit pourquoi pas essayer, donc chaque chaque jour on se retrouvait dans son atelier après 18h, on avait trouvé un modèle, on avait acheté des matériaux en fer, des roues et tout ça, et après un mois de travail j’ai appris la soudure dans ce process. On a fabriqué un fauteuil roulant en acier c’était très lourd, c’est comme si tu faisais de la musculation avec un fauteuil. Mais ça a marché.

Olivier : Il pesait combien le fauteuil ?

Mohamed : Je sais plus combien haha, c’était vraiment trop lourd. Je me rappelle qu’il y avait une petite pente là où on a essayé de pratiquer et c’était très difficile de le pousser. Ça c’était une leçon de vie pour moi parce qu’au lieu d’attendre que les choses tombent du ciel il faut faire quelque chose, il faut faire un pas, même si c’est pas parfait, même si c’est pas ce qu’on voulait, ce qu’on imaginait, c’est bien de faire ce premier pas. Cette leçon de vie c’est inoubliable quoi, pour moi c’est encore une fois 1 mois de travail, puis ça se concrétise, et ça marche même si c’est pas parfait, mais ça marche je peux faire du triathlon maintenant. Donc ça ouvre beaucoup de possibilités, donc j’ai commencé à faire des entraînements une à deux fois par semaine. Mais après deux-trois mois, il y a quelqu’un qui m’a vu avec ce fauteuil roulant, qui entendait des histoires à travers mon prothésiste. Ce monsieur-là m’a permis d’avoir un vrai fauteuil roulant de sport. Donc il faut pas se faire des obstacles, il faut essayer de trouver une solution, que ce soit n’importe quoi. Donc au final ça a pris 3 ans pour faire ce fauteuil, et j’ai commencé à faire du triathlon. J’ai fait mon premier triathlon en Tunisie après en France à La Ferté-Bernard.

Ermanno : Wouah, c’est magnifique La Ferté-Bernard, ça me rappelle beaucoup de souvenirs.

Mohamed  : C’était mon 1er triathlon en France, je voulais faire un événement international et me classifier sauf qu’on m’a dit « tu peux pas utiliser le fauteuil roulant si tu utilises un vélo normal, tu dois courir ».

Ermanno : Oui en fait le truc c’est qu’il y a des catégories, et ça il faudrait peut-être le préciser. Tu peux nous rappeler les différentes catégories ?

Mohamed : Ça a changé mais la première catégorie c’est le fauteuil roulant, elle est presque définie par l’équipement. La deuxième catégorie c’est celle dans laquelle je suis, c’est en général celles et ceux qui ont une amputation fémorale, mais il ya d’autres catégories avec d’autres handicaps et maladies nerveuses : PTS3 et PTS4 sont tibiales, et la différence c’est si il y a d’autres handicaps qui y sont associés ; PTS5 ce sont les amputés des bras ou des mains ; et enfin PTS6 sont les malvoyants. Je connaissais pas exactement les catégories et je devais aller faire un Budapest en 2011 donc j’ai fait la course à pied en béquilles, donc le point que j’ai envie de faire c’est que : 3 ans de galères avec le fauteuil roulant mais mon but était d’aller faire des courses internationales en triathlon mais il fallait encore une fois s’adapter. J’avais donné le fauteuil roulant à quelqu’un au Maroc et j’ai commencé à faire les courses en béquille jusqu’en 2009 où je suis allé aux USA pour un stage d’entraînement, et là je rencontre quelqu’un à qui est très connu. C’était la première femme amputée qui a fait un Iron Man, et je parlais avec elle « j’ai cette condition qui s’appelle FFD et les docteurs m’ont dit que je peux pas courir » et elle m’a expliqué comment elle aurait fait si elle avait la même condition. Je me rends compte que je peux courir avec une prothèse. 2012, j’ai eu ma première prothèse en course à pied, j’ai commencé à apprendre à courir pour la première fois et c’est là que c’est marrant parce que ces 6 années j’étais actif, je faisais du vélo, j’ai fait quelques triathlon et quand j’ai commencé à courir c’est comme si je n’avais jamais fait de sport. C’était trop difficile pour moi de courir, je faisais 50m ou 100m et je devais m’arrêter, c’était trop difficile. Je me suis presque dit que j’allais tout arrêter, que ça n’en valait pas le coût. Il y avait beaucoup de blessures, c’était difficile d’apprendre à courir à 25 ans / 26 ans, mais après beaucoup de temps j’ai commencé à faire 5 km sans m’arrêter mais si ça m’a pris 40 minutes pour faire 5km, c’était très difficile à cet âge-là. Mais bon le but c’était de faire du triathlon international, et apprendre à courir ça ralentit le projet. 

Olivier : Et tu étais coaché à l’époque ?

Mohamed : Non

Ermanno : Tu faisais tout ça tout seul, c’est dingue ! Parce que tu parlais tout à l’heure de Gibraltar mais c’est arrivé quand ça ?

Mohamed : La traversée de Gibraltar, c’était quelque chose que j’avais envie de faire depuis déjà bien longtemps et après le stage d’entraînement que j’ai fait aux États-Unis? Donc je l’ai fait et j’ai beaucoup aimé, j’ai appris beaucoup de choses en triathlon. Et puis je suis rentré chez moi et j’ai dit avant d’aller plus loin je dois faire ce projet de Gibraltar. La chose qui était très difficile c’était de faire le premier pas officiel, c’est-à-dire tu t’inscris tu commences le process officiel ; de faire le pas qui fait que tu peux pas reculer. Donc quand je suis rentré je l’ai dit à quelques amis et j’ai commencé à contacter l’organisation en Espagne pour faciliter le projet. C’est un projet qui est très compliqué, tu dois avoir une autorisation du Maroc, de l’Espagne, de la gendarmerie etc et pour moi de commencer ce process c’est comme si je pouvais pas revenir en arrière. Donc ça c’était le plus difficile pour moi, après c’était juste un entraînement normal : beaucoup de nage et d’endurance. D’ailleurs je me rappelle qu’on était allé en Espagne avec ma femme à l’époque, la traversée était planifiée la veille où l’Espagne a gagné la Coupe du Monde 2010. On était à Tarifa et moi j’essayais de dormir il était 4 heures du matin mais c’était la fête, j’arrivais pas à dormir. 

Olivier : Je comprends, j’étais en Espagne aussi à ce moment-là, je me souviens bien c’était assez bruyant haha.

Ermanno : Parce que la traversée de Gibraltar c’est de l’Espagne vers le Maroc, c’est pas du Maroc vers l’Espagne ?

Mohamed : Oui. C’est de l’Espagne vers le Maroc.

Olivier : Et en fait si je me trompe pas c’est parce que c’est une O.N.G. sur place qui s’occupe de donner les permis etc… Ce sont eux qui gèrent les traversées.

Mohamed : Tu peux faire la traversée du Maroc à l’Espagne à travers eux, tu vas en Espagne et ils t’emmènent au Maroc puis tu reviens en Espagne. Celui qui a organisé ça a recommandé de le faire parce que c’était plus facile à l’époque avec les courants, tu avais plus de chance de finir qu’en faisant de l’autre côté. Il y a des gens qui font de l’autre côté, des gens qui font aller-retour, il y a de tout dans ce monde-là, il y a des nageurs qui sont très rapides.

Olivier : Combien de temps de préparation pour Gibraltar ?

Mohamed : Ça m’a pris la saison : 8 mois – 10 mois de natation. Pour revenir à mon histoire, avec ma femme on arrivait pas à dormir mais je lui ai dit ça ça arrive seulement une fois tous les quatre ans donc on est sorti avec les gens et on a célébrer avec eux la victoire, et on a pas dormi on est directement allé à la nage. C’était très spécial.

Ermanno : Pour rappel, la traversée c’est 14 km ? Avec les courants tu mets peut-être un peu plus 

Mohamed : 14,9 pour moi oui, tu fais jamais ligne droite avec les courants. En fait les gens ont beaucoup d’expérience, si tu es un nageur très fort, tu y arrives, mais si t’es un nageur qui est un peu lent tu vas souffrir des courants, te retrouver à l’intérieur et devoir revenir, c’est un bazar. Si tu es fort, le S va être moi visible, mais si tu es comme moi ça va être beaucoup.

Olivier : C’était ma question du coup, toi tu as fait plutôt un S ou un L ? 

Mohamed : Un S oui.

Ermanno : Tu as mis combien de temps du coup pour ces presque 15 km de natation ?

Mohamed : Ça m’a pris 80,26. Ça m’est arrivé seulement deux fois, mais pour ça j’ai vomi au milieu de la traversée. Et après avoir vomi, je me suis senti très bien. 

Ermanno : Tu m’étonnes, si tu as fait la fête la veille pendant toute la nuit et que t’as pas dormi…

Mohamed : Hahaha, je sais pas si c’est à cause de ça mais j’ai re-vomis encore deux fois pendant la course à pied et je me sentais bien après et j’ai fais le triathlon impeccable. 

Ermanno : Je voudrais juste préciser quand même pour ceux qui ont pas forcément en tête, quand tu me dis que tu as mis 4h30 pour faire 15 km de natation, en moyenne le gros du paquet sur Iron Man c’est 3,8 km et on est entre 1h et 1h10 donc en gros pour faire 15 km : c’est 4 fois et demi d’Iron Man et tu fais à peine quatre fois le temps sur iron. Donc c’est pour dire que pour quelqu’un qui a appris à nager assez tard, tu as quand même vachement bien progressé.

Mohamed : Oui oui c’est le pour moi, mais c’est relatif. J’étais très content de finir. En même temps que j’ai commencé, il y avait une autre fille qui avait commencé, on a commencé en même temps : tu vois 2 nageurs qui commencent, 2 bateaux, et tu vois tu quand j’étais à mi-chemin elle avait déjà fini, je voyais le bateau qui revenait. 

Olivier : Ça doit mettre un petit coup sur la tête quand même.

Mohamed : Ouais mais j’étais très très heureux quand même. 

Ermanno : Bon alors et une fois que tu as fait cette traversée Gibraltar, c’est là que tu t’es dit « bon allé c’est bon, j’ai fait cette traversée de Gibraltar, même si j’ai découvert triathlon je voulais faire cette traversée je l’ai faite, maintenant à 200 % dans le triathlon” ?

Mohamed : Heu, presque. Le but c’était le triathlon, mais j’avais toujours ce projet à côté que j’ai : course de VTT etc, qui reste en lien avec le triathlon. Mais aussi quand j’ai appris à courir en 2011 au Maroc, il y avait cette course qui s’appelle le Marathon des Sables, pour moi c’est une course que chaque année on regardait à la télé au Maroc, mais ça m’a jamais traversé l’esprit de le faire, mais c’était dans ma tête. Et quand j’ai commencé à faire de la course à pied avec ma prothèse, cette idée de faire le Marathon des Sables commençait à grandir. Le projet a commencé en 2012, je me suis dit je vais faire le Marathon des Sables. Déjà on courait dans le sable avec la lame, c’est très difficile parce que j’ai essayé de faire des courses sur la plage et c’était très misérable, mais le faire avec du poids c’est encore pire. Ma femme est ingénieur mécanique et m’a aidé à créer cette pièce qui aide à flotter un peu sur le sable au lieu de s’enfoncer. Donc on a fait cette pièce qui est facile à enlever, on la mettait quand il y avait du sable puis on l’enlevait. Quand on a fabriqué cette pièce, je me suis dit que j’étais prêt. J’avais fait quelques séances avec le sac à dos et tout ça, mais j’avais jamais fait de marathon. Le premier jour il y avait rien de risqué, j’ai fini 102 donc 4 km dans la course, j’étais presque le dernier et encore une fois je commence à pleurer comme un bébé. J’ai énormément sous-estimé cette course, on était même pas au premier check-point (CP). Heureusement que j’avais ramené les béquilles avec moi si jamais il y avait un problème avec ma prothèse. Je sors les béquilles, je me dis que je vais essayer d’aller au premier check-point pour au moins avoir quelque chose. J’arrivais pas aller trop vite mais j’allais quand même un peu plus vite que ce que je faisais avec la lame. Parce que pour courir avec la lame c’est que je n’ai pas de genou sur la lame, je dois lever ma hanche très haut. Vu que c’est pas une surface goudronnée, que ce n’est pas une surface plate.

Ermanno : C’est pas lisse en fait c’est pas homogène. Des fois ça descend, des fois ça remonte, puis tu as des petites butes de sable sur lesquelles il faut que tu passes avec la lame…

Mohamed : Voilà donc pour ne pas tomber il faut que je lève ma jambe droite très haut. Donc c’était épuisant. 

Olivier : Mais c’était moins fatiguant aussi certainement.

Mohamed : Oui c’était moins fatiguant mais des ampoules se sont faites très rapidement parce que je n’avais pas de gants. Je suis arrivé au premier check-point et j’ai même dépassé une personne, et je prends de l’eau et quelqu’un vient me dire « tu as essayé c’était très courageux blablabla » mais j’avais pas envie d’écouter. Pour cette course je vais aller jusqu’au bout. Donc j’ai fini le premier check-point, il y avait deux ou trois gars derrière moi, je me suis dit que j’allais oublier la course, j’allais oublier cinq mois de ça et cinq jours de ça, je vais juste penser aux 10 kilomètres entre chaque check point. Je suis arrivé au coucher du soleil, j’ai fini toujours dans la course avec le liquide des ampoules qui sortait de mes mains. Mais j’ai fini le premier jour, je suis allé à la tente et ils m’ont donné des pansements. Il y a un ami qui avait des gants qui me les a prêté et j’ai recommencé à faire la même chose le lendemain : check-point par check-point, 10 km par 10km, et c’est comme ça que j’ai fini la course. Je sais pas si vous avez la chance de voir des photos du Marathon des Sables, chaque année tu vois les coureurs à la tente médicale avec des ampoules.

Ermanno : Toi c’était dans les mains haha.

Mohamed : Oui haha, j’étais comme un boxer avec toujours plus de bandes. Mais j’ai beaucoup pleuré, c’était l’événement le plus difficile que j’ai jamais fait de ma vie. Après être rentré chez moi j’avais des cauchemars pendant je sais pas combien de jours : 15 jours, et c’était terrible c’était à chaque fois que je devais marcher dans le désert, donc ça m’a beaucoup marqué. 

Olivier : Ah oui ça t’a vraiment traumatisé. Mais attends tu dis que avec les béquilles c’était déjà un peu plus facile qu’avec la lame mais donc pour la lame il faut que tu lèves effectivement ta jambe et ta hanche mais avec les béquilles c’est pareil, les béquilles tu les mets dans le sable et tu t’enfonces. Donc là pour le coup c’était plutôt les bras qui prenaient tu avais un énorme effort à faire au niveau des épaules.

Mohamed : Oui, mais pour moi c’était abandonné ou bien rester dans la course, c’est ça qui était dans ma tête.

Olivier : Quand on t’écoute Mohamed, on se dit qu’on a vraiment plus aucune excuse. C’est vraiment une bonne leçon d’humilité.

Mohamed : J’ai beaucoup pleuré dans cette course, mais parfois parce que tu es tout seul pendant des heures, ma cadence était très ralentie donc ça me prenait toute la journée pour finir. Tu passes beaucoup de temps tout seul, tu as le temps de penser à beaucoup de choses, surtout qu’il y a rien c’est juste l’horizon.

Olivier : Oui je vois tout à fait le genre de ressenti. Tu es tout seul toute la journée et en fait tu te demandes limite si tu es encore dans la course parce que tu te demandes si tu t’es pas paumé. Et ça c’était en quelle année du coup le marathon des sables ?

Mohamed : 2013. 

Olivier : Donc après 2013, toi tu étais comment, en mode préparation pour les J.O ? Parce que tu es allé à Rio quand même en 2016.

Mohamed :  J’ai commencé à faire du triathlon juste pour participer et rester en forme. Donc j’avais déjà fait un Iron Man : Iron Man Zurich. Et puis avant de faire Rio je voulais faire le Iron Man Kona et j’ai appris qu’il y avait pas de qualification pour ma catégorie, il y avait pour la catégorie en fauteuil roulant, ils peuvent aller faire un événement pour se qualifier mais toutes les autres catégories il y a pas de qualification il y a que la loterie. Donc j’ai fait la loterie en 2014 et j’ai gagné, j’ai fait le half Iron Man Boise. Et puis je m’entraînais encore, j’avais pas vraiment un entraîneur je suivais juste des plans d’entraînement sur Internet. Je travaillais un petit peu à l’époque et j’avais les études. En 2014 c’était entraînement, école, travail, c’était une année un peu bizarre pour moi. J’ai fait cet Iron Man en 2014 et c’était super, un des événements que j’ai vraiment envie de refaire, et ramener toute la famille avec moi. Mais après cet Ironman c’était seulement pour rire à 100%. 

Ermanno : Mais attends parce que déjà ma génération c’était plutôt des anciens nageurs, des anciens cycliste, des anciens coureurs qui devenaient triathlètes, maintenant et on a souvent l’occasion d’en parler les jeunes triathlètes sont souvent des triathlètes : ils commencent par le triathlon, et puis surtout ils ont souvent une carrière dans le cours surtout les triathlètes francophones. Ils ont souvent eu la chance de concourir dans le Grand Prix en France puis une fois qu’ils ont fini avec le cours il passe sur le half et puis après ils finissent sur Iron Man. Toi tu as fait un peu tout, Ironman, Kona, et t’es revenu en distance Olympiques pour aller aux J.O. Il faut que tu nous expliques.

Mohamed : Ça fait bizarre, la façon dont j’ai justifié ça à l’époque, c’est que pour moi c’est comme un entraînement de base de faire beaucoup d’endurance à l’époque et surtout de faire de la longue distance de triathlon. Maintenant si tu me demandes d’aller faire un Iron Man avant d’aller faire les championnats du monde en sprint, je peux pas faire ça, peut-être half mais pas full. Donc pour moi à l’époque c’était une combinaison de deux éléments : le premier c’est je suis toujours nouveau, je suis curieux, je tente Ironman Kona, c’est le top du top ; mais aussi que j’avais envie de faire plus : faire beaucoup de natation, de vélo et de course à pied pour construire la base de la fondation pour moi. À l’époque j’avais pas de coach, c’était juste moi, j’ai juste fait la préparation Iron Man, et je pense que ça m’a beaucoup aidé après 2014 de réduire les heures d’entraînement et commencer à construire le sprint. Je pense que c’était plus facile pour moi que juste aller directement se concentrer sur le sprint. Mais aussi je fais du sport parce que j’aime beaucoup en faire, donc avoir le plaisir de faire ce qu’on veut et ce qu’on aime je pense que ça ça te donne un boost et beaucoup d’énergie pour les autres projets.

Olivier : Ouais à la limite le long c’était pour le mental pour te dire « ben en fait je suis capable de faire un Ironman donc je suis capable de me qualifier pour Rio ».

Mohamed : Ouais

Ermanno : Et comment ça se passait au Maroc, ou comment ça se passe encore maintenant justement pour représenter le pays aux Jeux Olympiques ? Est-ce qu’il y a beaucoup de prétendants et peu de place ou est-ce qu’en plus en paralympique vous n’êtes pas nombreux à vouloir aller représenter le pays et porter la flamme ?

Mohamed : À l’époque où je faisais du triathlon, il n’y avait pas de fédération du triathlon au Maroc. Ça s’était créé il y a un an ou deux ans maintenant.

Ermanno : Alors comment tu fais pour aller représenter le pays s’il n’y a pas de fédération. C’est comme pour la chaise roulante, tu l’as fabriquée haha.

Mohamed :  Bah du coup je faisais tout moi-même, il fallait que je m’enregistre, etc. Donc comment ça se passer à l’époque : il y avait la fédération handisport qui avait pas le triathlon, il y avait pas d’accréditation avec l’ITO. C’était la Fédération des sports mais comme il y avait pas de triathlète avant, ils étaient pas encore en contact avec l’ITO. Il y avait la Fédération Sport Pour Tous qui a pris le triathlon, c’était eux qui étaient en contact avec l’Union internationale. Donc moi j’étais en handisport, la fédération des sports dit « on a pas triathlon » et la Fédération sport pour tous dit « on n’a pas d’handisport », donc j’étais entre les deux, personne voulait prendre la responsabilité. Puis, la Fédération sport pour tous m’enregistre pour les événements parce que l’organisation officielle au Maroc m’enregistre dans les les éléments dont j’avais besoin mais le reste c’était moi, je faisais tout tout seul. 

Olivier : Et ça s’est passé comment, est-ce que tu avais un coach ? Tu es quand même pas aller à Rio sans coach.

Mohamed : Oui j’avais un coach, mais c’était moi le responsable de toute la logistique. 

Olivier : Ah ok donc tu n’avais pas de manager etc.

Mohamed : Non. 

Ermanno : Bon alors comment ça s’est passé ces jeux à Rio ?

Mohamed :  C’était magnifique. Pour revenir, en 2014 il y avait un club de triathlon qui s’est créé pour encourager le triathlon dans le monde arabe. Ça a été créé par deux gars de l’Égypte. J’ai eu la chance de rejoindre ce club et qui m’a aidé financièrement de 2014 à 2016 donc pour participer aux courses et tout ça. Malheureusement ça n’existe plus maintenant mais à l’époque c’était le bon timing pour moi. Je m’entraînais parce que j’habite ici en Californie, et en 2015 j’ai commencé à être coaché par Matt Dixon.

Ermanno : Oui il est très bien connu dans le monde du triathlon.

Mohamed : Donc je m’entraînais avec ses athlètes valides, je nageais et courais avec eux, et il coachait aussi des cyclistes. Pour moi c’était parfait c’était dans ma région. Tout était parfait en 2014-2015, en 2015 c’était une saison magnifique pour moi, 2016 en mars je gagne la qualification donc je commence à me concentrer sur Rio. Donc j’ai fait les championnats du monde, cette année en 2016 à Rotterdam en juillet avant les Jeux paralympiques, et pour moi c’était une course juste pour se concentrer sur les détails, je devais être avec les tops, les 4 premiers, c’était mon but. J’ai fait toutes les courses et j’ai fini 6ème, et je sais pas comment le dire en français mais j’étais at the best. Donc j’avais imprimé les résultats de la course et pendant mon vol à San Francisco je regardais les résultats, la natation, la transition, le vélo, je comparais avec les autres. Je sais pas comment ça s’est passé mais tout le monde est devenu plus rapide, tout le monde était très fort et préparé pour la course. Donc mon vol a duré 10h heures et je pensais à qu’est-ce que je vais faire en l’espace de 3 mois ? Qu’est-ce que je peux faire ? Je peux pas devenir une minute plus rapide en vélo, en course à pied, et en 30 secondes en natation, qu’est-ce que je peux faire dans ces trois mois pour maximiser ?

Ermanno : Bah tu peux faire tomber les concurrents haha. Non ça c’est pas l’esprit sportif désolé.

Mohamed : Haha. Donc j’ai passé beaucoup de temps en triathlon, j’ai eu un peu d’apprentissage pour moi la 1ère chose c’est de se concentrer sur les choses ou ça demande pas d’efforts physiques : c’est les transitions, ça c’est la première chose, essayer de réduire le T1 et T2, donc je me dis ça dans mon vol retour. La deuxième chose c’est regarder la course à Rio, regarder les transitions, regarder c’est quoi la course en vélo, c’est quoi la course en course à pied, c’est quoi la natation. Donc quand je suis rentré j’ai parlé avec mon entraîneur on a ajouté des séances de vélo, mais des séances spécifiques, on avait, je me rappelle bien, 16 demi-tour en 20 km. L’objectif en deux mois c’est de faire des demi-tour et accélérer, demi-tour et accélérer deux fois par semaine et ne pas le faire dans un plat mais un peu incliné. Quand tu viens à la descente tu fais demi-tour et tu accélère à la remontée. Juste faire ça deux fois par semaine ça me faisait un entraînement, j’ai pratiqué le demi-tour mais aussi l’accélération, parce que tu ralentis, tu dois accélérer, c’est la 1ère chose. 2ème chose c’est la transition, c’est quoi la distance, est-ce que j’ai mesuré la distance, est-ce que c’est plus rapide avec une prothèse. Donc je suis allé à la piscine et j’ai pratiqué les deux, j’ai mesuré les deux et comparé le temps, c’est quoi le plus rapide, c’est quoi le plus pratique pour cette course, beaucoup de détails pour Rio. Et aussi la troisième chose c’est la Copacabana qui était 3h de route de village olympique, donc pour moi parce que j’étais tout seul, j’ai pris un hôtel à Copacabana, j’allais directement à la course chaque jour. À l’époque, tout le monde avait peur de nager parce qu’ils disaient que la qualité de l’eau n’était pas bonne, il y avait des gens qui tombaient malade et tout ça, moi je regardais depuis le balcon de l’hôtel. Tous les jours je voulais nager parce que quand je regarde les Jeux Olympiques, à la sortie de l’eau parce qu’il y avait des vagues, il y avait des athlètes qui surfaient la vague et prenaient avantage et je regardais ça, et moi je pratiquais que ça aussi. Pour moi c’était en mode game, c’est juste les détails en addition de mon entraînement. D’ailleurs quand je pratiquais la natation, j’ai perdu mes lunettes de natation 2 fois, du coup il fallait que j’aille acheter une paire de lunettes pour la course.

Olivier : Et attends à ce moment-là quand tu prends l’hôtel pour Copacabana tu étais vraiment tout seul tout seul ? Pas de coach, pas d’amis, pas d’épouse ?

Mohamed : Il y avait un virus donc ma femme ne voulait pas prendre le risque. 

Ermanno : C’est dingue parce que généralement quand on s’imagine les jeux paralympiques ou olympiques, on imagine que tu as une équipe de 200 personnes et en fait non il y a plein de merde qui arrivent. On en parlait encore avec Valentin la Croix cet été qui était nutritionniste et qui accompagnait l’équipe de cyclisme sur route à Tokyo, il disait “bah en fait non on loge dans un Airbnb, les courses c’est moi qui dois aller les faire, je dois m’occuper de trouver les aliments et tout”. C’est plein de petits détails comme ça dont on se rend pas compte en fait.

Mohamed : C’est des leçons qu’on apprend quand on fait ça parce qu’il faut s’adapter parce que le but c’est de performer donc on doit trouver des solutions pour tous les obstacles. On est pas ici pour le tourisme, on n’est pas ici pour se chouchouter, tu vois si il y a des spécialistes autour de toi, des experts c’est bien ça aide beaucoup, mais si tu l’as pas tu dois tout trouver. D’ailleurs mon ami Patrice de Casablanca voulait venir m’aider, et le jour de la course il est arrivé à la course pendant que je faisais le vélo. Je me rappelle bien qu’à Rio je devais tout faire parce que j’étais séparé de la délégation marocaine, j’étais tout seul à Copacabana donc je faisais tout moi-même. Je me rappelle bien aller à la zone avant la course avec mon vélo tout seul pour passer à travers la sécurité. 

Ermanno : Et t’as décidé de faire ça parce que c’était vraiment stratégique, tu t’es dit j’ai intérêt à m’acclimater entre guillemets, aller tester l’eau, j’ai envie d’être sur le lieu même.

Mohamed : Je pense aussi que voir la course chaque jour ça t’aide, tu es pas surpris le jour de la course parce que les Jeux paralympiques ça passe tous les 4 ans c’est un peu le choc, il y a pas accès. Donc moi chaque jour je voyais la ligne d’arrivée, je faisais la même course pendant une semaine. Ça m’a beaucoup aidé.

Olivier :  Aussi au niveau de la visualisation et du mental, c’est quelque chose qui devait aider pas mal. Et à ce moment-là toi tu étais triathlète professionnel, c’est-à-dire que tu gagnais ta vie avec ça ou tu bossais encore à côté ?

Mohamed : En handisport c’est rare de trouver quelqu’un qui gagne sa vie grâce à ça. Donc c’est ma femme qui travaillait pour notre famille, j’avais le club qui m’a aidé pour payer les événements, le vol et tout ça. C’est juste qu’on bricolait pour faire marcher tout ça.

Ermanno : Cette course alors, 3 mois avant tu fais le test event, tu te rends compte que tu as des choses à ajuster, tu réfléchis, tu ajustes jusqu’au moment où comme tu dis où tu arrives à Copacabana une semaine avant pour t’acclimater, pour vivre dans l’esprit dans l’ambiance ; et la course ? Comment se passe la course, comment se passe la natation, comment se passe le vélo, comment se passe la course à pied ?

Mohamed : Quand on se préparait pour aller à la ligne de départ je souriais, je prenais des photos, j’étais très calme, j’avais vraiment aucun stress. On se positionne, on commence la natation. J’ai tous les entraînements qui me reviennent, mais il y a un moment en natation où il y avait un français qui s’appelle Stéphane Bahier qui est un monstre en vélo. D’ailleurs, avant j’utilisais une prothèse pour mon vélo, et c’est lui qui m’a dit débarrasse-toi de ça utilise une seule jambe pour nous c’est plus rapide qu’une prothèse, et ça m’a pris 3 ans avant d’adopter cette méthode. Aujourd’hui, tous les athlètes maintenant dans notre cas pédalent avec une seule jambe c’est plus rapide. Donc Stéphane Bahier c’est un monstre, il est trop fort et dans toutes les courses que j’ai fait avec lui il a toujours fini avant moi en natation, et à Rio je sais pas à 200 m de la sortie de la fin de natation, je me retrouve à côté de Stéphane Bahier et j’étais surpris de le voir à côté de moi et j’ai dit « this is my day »,  donc je suis resté avec lui jusqu’à la sortie où il y a les vagues et j’ai pris la vague. D’ailleurs il y a une photo pas loin de la sortie, j’avais pratiqué la transition comme un verre d’eau : c’était très rapide, je pense que j’étais le plus rapide ce jour-là, et puis j’ai commencé le vélo. Je sais que Stéphane est très fort en vélo et j’ai dit « ne le laisse pas passer, au moins la première moitié les premiers 10 km, ne laisse pas passer ». Et ma stratégie c’est accélérer, parce que j’ai beaucoup pratiqué ça, c’était ça ma stratégie donc finalement il passe devant moi mais c’était presque à la moitié comme j’avais planifié. Fin c’était pas planifié du tout tout ça. Après, le gars qui a gagné la médaille d’or c’est l’Angleterre qui s’appelle Luis, je me suis dit je vais pas le laisser passer devant moi. Encore ça, ce sont mes petits objectifs pendant ma course qui me motivent et me poussent. J’ai empêché le gars de l’Angleterre et le gars des États-Unis de me dépasser en vélo, pour moi mon but c’est à la fin du vélo c’est de rattraper Stéphane Bahier parce que je sais que qu’il est pas loin. Donc : transition rapide, je commence la transition, je sais que le gars d’Angleterre est pas loin de chez moi, il va passer parce qu’il est très fort. On savait que c’était lui qui avait le plus de chance de gagner donc pour moi la stratégie qui m’est arrivé c’est de courir avec ce gars-là d’Angleterre parce qu’il est très rapide et va me ramener à Stéphane Bahier. C’est la dernière chose à faire dans cette course, si je fais ça je vais avoir le podium. Et exactement, il y a une photo de ça sur internet, j’essayais de rester avec lui, j’ai souffert de ces 2 kilomètres de course à pied. Une fois que je vois Stéphane Bahier je relâche parce que je pouvais pas, puis ça m’a pris je sais pas combien de temps pour le dépasser et finir en bronze. Donc en l’espace de 3 mois, de passer de 6e à 3e, avec les mêmes gars j’étais le plus heureux du monde. 

Olivier : Et du coup après Rio qu’est-ce qui te vient en tête ?

Mohamed : Après Rio, le plan c’était d’arrêter et se concentrer parce que j’ai une famille, j’avais deux enfants, commencer à planifier la carrière post-sport. Mais je sais pas, 3-4 mois avant Rio, j’ai commencé à négocier avec ma femme : ça te dit d’aller à Tokyo ? À l’époque, je connaissais presque toute l’équipe des États-Unis, je connaissais le manager tout ça. J’ai dit “maintenant que j’ai fait avec le Maroc je vais faire une autre avec les États-Unis”. En 2017 avec ma femme on a déménagé de Californie à Colorado Springs parce qu’il y avait le centre d’entraînement, le Centre Olympique Paralympique, et pour moi c’était un de mes rêves quand j’ai commencé à faire du sport de m’entraîner là-bas, c’est magnifique dans les montagnes. C’était pour une réalisation pour moi parce que tu t’entraines avec toutes les équipes, tous les athlètes olympiques et paralympiques des États-Unis, de voir comment les choses sont faites, les entraînements, l’éducation, c’est un autre monde. Et pour moi apprendre à organiser mes entraînements, la musculation, alors pour moi les détails c’était bien vivre, c’était une expérience. Ça s’est très bien passé, ça m’a pris une année pour m’adapter à l’altitude, c’était très slow. On avait une piscine de 50 m et avec l’altitude c’était une torture. Mais j’ai beaucoup aimé la vie là-bas, ça se passait bien, les entrainements commençaient à donner de bons résultats. Puis en 2018 il y a IPC qui dit que ma catégorie ne va pas être à Tokyo, toute la catégorie de PTS2/PTS3, donc c’était un moment de ma vie où j’étais le plus bas parce que j’avais fait un grand move, j’ai déménagé toute ma famille, j’ai arrêté ma carrière pour ça et là qu’est-ce qu’on va faire ? Donc le programme s’est arrêté pour notre catégorie. Donc j’ai commencé à faire un peu de cyclisme, pour moi j’étais là-bas et le contrat va finir à la fin d’année alors pourquoi pas apprendre quelque chose de nouveau, donc j’ai appris à rouler sur la piste.

Ermanno : Et donc là il y a un mec qui t’a parlé de la piste justement, tu n’avais jamais fait tu as dit « ok c’est bon on y va » pour revenir sur ce que tu disais au début haha.

Mohamed : Ouais, je pense que cette mentalité m’a ramené à apprendre beaucoup de choses, pas seulement dans le sport. À apprendre à comment fabriquer quelque chose, résoudre un problème… donc j’ai commencé à apprendre à rouler dans le Vélodrome et là j’ai appris que les cyclistes n’aimaient pas que les triathlètes viennent. C’était marrant. Donc en tant que triathlète on fait natation vélo et course à pied, on connaît beaucoup, mais quand je fais que le cyclisme c’est un autre monde, on est vraiment comme des débutants à côté d’eux parce qu’ils font ça jour après jour, ils ont beaucoup d’expérience et beaucoup de détails. C’était pas assez pour moi pour me qualifier à Tokyo en cyclisme, mais j’ai fait de mon mieux.

Olivier : Mais il y a une grosse différence entre les cyclistes et les triathlètes dans le sens où les triathlètes à priori ne roulent pas trop en peloton quoi, sauf sur la distance Olympique dans certains cas mais c’est pas pareil c’est pas du peloton où on fait des relais et où on est vraiment en équipe, c’est pas la même chose quoi. Donc les cyclistes en général ils ont tendance à dire les triathlètes ils font chier parce qu’ils savent pas rouler, dans le sens où ils savent pas rouler en peloton quoi. 

Mohamed : Exactement mais les triathlètes sont très forts, si tu les mets en ligne droite.

Olivier : Ah oui, ils sont très forts mais il faut faire un peu la part des choses parce qu’il y a quand même beaucoup de triathlètes qui viennent du monde du cyclisme aussi donc c’est pas tous les triathlètes mais le triathlète qui a appris à rouler à vélo dans le cadre du triathlon exclusivement, c’est vrai qu’en général il manque un peu de technique, il manque de codes quoi : ils ont tendance à être un peu dangereux parce que ils se mettent pas bien dans les roues. Tu vois c’est le genre de truc qui fait pas trop partie de leur ADN. 

Mohamed : J’ai appris ça à la manière difficile on va dire quoi hahaha.

Ermanno : Tu t’en es pris plein la gueule c’est ça haha ? J’ai l’impression que ça a pas été très linéaire ton apprentissage, t’as tout fait en prenant des portes. Et maintenant, toujours sur le vélo et le triathlon. Il faudrait pas que quelqu’un te parle de trail parce que sinon tu dirais « c’est bon, j’y vais ».

Mohamed : Non, parce que c’est une discussion qui se passe en ce moment avec USA Triathlon, j’ai pris un travail avec visa il y a 3 mois. Avant je travaillais à mi-temps, j’avais beaucoup de flexibilité, maintenant c’est plus le cas. C’est récent j’ai commencé en septembre, c’est beaucoup de travail pour moi de rester assis pendant 8 heures par jour. Donc il y a une chance de s’entraîner pour Paris en triathlon avec l’équipe des États-Unis, on essaie d’avoir une façon de s’adapter. J’ai 39 ans avant maintenant, j’ai pas beaucoup de sprint mais j’ai beaucoup d’endurance, donc on essaie de trouver une façon de préparer pour Paris mais intelligemment en considération de mon travail et de mon âge donc c’est en préparation pour l’instant et ce sera la dernière fois. Pourquoi les USA ? Parce que ça fait plus de 10 ans que j’habite ici mais j’aime aussi beaucoup l’équipe et le manager qui gère l’équipe des USA est une personne magnifique qui aime le sport et qui a envie de m’aider. Il a envie qu’on finisse ce projet qu’on a commencé en 2018 donc on va essayer de faire ça cette année. En 2024 j’aurais beaucoup de compétition, il y a un nouveau français qui s’appelle Jules, c’est un nouveau monstre. Il est trop rapide, il a gagné les championnats du monde à Abu Dhabi où j’ai fini dernier. Donc j’ai beaucoup de travail à faire, on va savoir comment ça va se passer pour les trois prochaines années. En parallèle de ça avec 2 amis (un double amputé et et un avec une malformation du bras) on a commencé ce projet, il va durer 10-15ans, c’est de connecter le point le plus bas et le plus haut de chaque continent. On va utiliser vélo, canoë, randonnées… on a commencé juste avant le covid, pour commencer on a fait l’Amérique du sud : de Patagonia en vélo pendant 4 semaines jusqu’en Argentine, puis on a monté Aconcagua le plus haut point d’Amérique du sud, donc on a l’Amérique du nord, l’Europe, l’Asie… donc c’est un énorme projet. Le 1er but c’est de reprendre les choses en mains. Ça n’a jamais été fait avant. Le 2ème but c’est de sensibiliser les gens sur le handicap et le handisport. En France et aux États-Unis on sent pas qu’on est discriminé, il y a des choses mais ce sont pas des choses qui vont bloquer ta vie, mais il y a des endroits où parfois jusqu’à maintenant en Afrique, quand tu es un enfant dans des petits villages tu es exclu de village à cause de ça. C’est un exemple mais c’est surtout l’éducation, c’est un gros projet, on va avoir une équipe qui va documenter tout ce projet, on va essayer d’avoir une documentaire sur chaque continent et aussi avoir des histoires. Moi mon histoire c’est que grâce au sport j’ai pu changer ma vie et je pense qu’il y a beaucoup de gens dans le monde qui ont besoin de cette histoire qui s’est passé avec moi et mon père avec le champion paralympique de natation. On veut montrer ça au niveau global.

Ermanno : Passer la bonne parole et inciter le maximum de gens qui sont justement des personnes handicapées pour leurs montrer que c’est pas la fin du monde et qu’on peut quand même y arriver. Super projet. Et du coup tu inclus l’ascension de l’Everest dedans haha ?

Mohamed : Il y a l’Everest oui c’est le dernier haha. Je fais la même stratégie : check-point par check-point, je commence par le plus facile, l’Everest ça fait peur à ma femme donc on verra quand on arrivera haha.

Ermanno : Ha bah c’est bien parce que si elle compte écouter le podcast va falloir lui dire bientôt haha.

Mohamed : En attendant je lui ai dit « on pensera à l’Everest quand on arrivera là-bas ». Donc ce sera dans 1 an peut-être. L’année prochaine on essaye de faire l’Europe peut-être, on commence par la Russie et jusqu’au Mont Blanc en France. 

Ermanno : Comment tu fais pour définir le point le plus bas ? Ça doit être aux Pays-Bas j’imagine ?

Mohamed : Non le plus bas j’aurais bien aimé que ce soit les Pays-Bas ça serait plus facile mais c’est en Russie. Il y un lac où c’est le plus bas, en dessous du niveau de la mer.

Ermanno : Forcément, tu dois connaître Bouchra Baibanou, forcément elle, elle pourra te donner quelques conseils pour l’Everest. Et en plus c’est une de tes consœurs puisqu’elle est marocaine aussi.

Mohamed : Haha, oui elle est magnifique c’est une championne. 

Ermanno : Tu peux peut-être nous redonner les détails sur où-est ce qu’on peut trouver plus d’infos ou contribuer si vous faites des appels aux dons. 

Mohamed : lowesthighest.org

Ermanno : Super, bah écoute Mohamed merci beaucoup d’avoir répondu à toutes nos questions. J’ai encore deux petites questions avant de terminer et de te laisser aller t’entraîner où aller bosser. La première : le podcast s’appelle Devenir Triathlète, on l’aura bien compris tu es passé par beaucoup d’étapes pour en être là où tu en es actuellement et peut-être tenter de représenter un autre pays aux JO de Paris en 2024, mais du coup selon toi quel est le meilleur conseil qu’on puisse donner à quelqu’un pour devenir triathlète ?

Mohamed : Personnellement je pense qu’il y a quelque chose de différent par rapport au triathlon, c’est différent des autres sports. Parce que moi j’ai essayé le cyclisme, j’ai essayé la natation, mais le triathlon c’est très spécial. Devenir Triathlète c’est comme un mode de vie, ne pense pense pas à faire des courses, n’aies pas peur de l’eau, de rouler en vélo ou courir, pense que c’est quelque chose dont on a besoin dans notre vie parce que c’est un sport qui est très complémentaire. C’est pour ton bien. Si tu commences à aimer le sport, tu comprends que le triathlon c’est un mode de vie. C’est ça la première étape, quand tu comprends ça, quand tu sais ce qu’est le triathlon, comment ça va se dérouler dans ta journée et dans ta vie, comment tu vas ajouter ça. Moi je parle des gens qui travaillent et qui ont des responsabilités, comment ils vont rajouter ça dans leur vie. Quand on commence par ça, comment on rajoute ces heures d’entraînement sans avoir un stress de sur une autre vie ça c’est la première étape, quand on arrive à réussir à faire ça, et bah après c’est facile. C’est un mode de vie, tu peux pas arrêter, ça va planifier ta vie pour le mieux. Je me rappelle bien qu’il y avait toutes les options : le sprint, olympique, longue-distance… ce sont des options qui te mettent en contact avec la nature d’une façon ou d’une autre. Donc pour moi le premier conseil c’est juste have fun, c’est bon pour toi. Il y a quelque chose qui m’est arrivé surtout quand je faisais des Iron Man longue-distance, quand tu sors de la natation, il y a de l’adrénaline, tu commences le vélo très fort. Je parle de longue distance, après 5km tu chutes, et c’est la même chose en course à pied, il y a des gens qui applaudissent, tu aimes beaucoup ça et tu commences très fort, et après tu chutes. Donc en half Iron Man sois juste toi-même et pace yourself (va à ton rythme), c’est la clé. Je vois beaucoup de gens qui font l’erreur et ils finissent pas la distance, et c’est juste à cause de ça parce qu’ils commencent trop fort en vélo et à la course à pied. Va à ton rythme depuis le début. 

Ermanno : Super merci beaucoup, et puis la dernière question que je pose à tous mes invités pour pouvoir continuer d’échanger avec toi, pour suivre un petit peu tes aventures, pour te soutenir et pour peut-être venir te voir à Paris en 2024, où est-ce qu’on peut te retrouver sur les réseaux ?

Mohamed : Sur les réseaux sociaux je suis sur Instagram @mohamedlahna (https://www.instagram.com/mohamedlahna/) et LinkedIn (linkedin.com/in/mohamedlahna) mais pas trop Facebook.

Oliver : Cool, bon bah on va bien suivre tout ça. C’était hyper cool de t’écouter, pour moi ça m’a donné une grosse claque et je me dis qu’il est tant que j’en fasse un peu plus parce que quand on t’entend on a vraiment aucune excuse quoi.

Ermanno : Ça avait déjà bien commencé le « no excuse » avec Philippe Martin qui fait des semaines de 90 heures et le mec trouve le temps de faire 41 ans Iron Man donc finalement Philippe nous a dit de venir l’interviewer donc on continue bien avec toi. Peut-être que je pourrais rajouter une troisième question du coup pour qu’on continue dans cette série : qui est-ce que tu me conseillerais d’aller interviewer si tu devais recommander un ou une triathlète ou un ou une sportive ?

Mohamed : Stéphane Bahier, c’est mon role model. J’ai essayé de le battre, c’est lui qui m’a poussé à devenir un bon triathlète. Je pense que je n’ai pas réussi, une seule fois c’était dans les Jeux paralympiques, sinon il m’a battu dans tous les événements ITU pendant 4-5 ans.

Olivier : Ça marche, bon bah Stéphane si tu nous écoutes voilà, tu es le bienvenu.

Mohamed : C’est un gars magnifique, très fort, c’est un monstre.

Ermanno : Ok, bah écoute on relève le challenge. Si tu nous écoutes Stéphane, contacte nous et puis c’est pas le cas de toute façon nous on viendra à toi et tu passeras aussi dans le podcast j’espère. Bah écoute merci encore Mohamed pour le temps qu’on a passé ensemble, presque 2h d’épisodes c’était génial, comme l’a dit Olivier on a pris des claques, maintenant on a plus d’excuses. On te souhaite une bonne continuation, une bonne journée parce que pour toi c’est le début de la journée, et puis Olivier bah on se donne rendez-vous la semaine prochaine pour un nouvel épisode ?

Olivier : Yes ! Salut Mohamed merci, ciao !

Mohamed : Ciao !


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co-fondateur du podcast et co-auteur du livre DEVENIR TRIATHLÈTE
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