Tout sur l’ultra-cyclisme

Nous sommes le 10 août 1996, il est 6 heures du matin. Le soleil se reflète sur les montagnes entourant Grenoble, mais les températures sont encore fraîches en ce matin d’été. Loin des caméras et de la horde de supporters bien habituelle pour les courses cyclistes, se sont rassemblés aujourd’hui 5 athlètes pour se lancer dans une nouvelle aventure: le Tour de France non-stop. Non, il ne s’agit pas du Tour de France que l’on a l’habitude de voir à la télé et qui existe depuis le début du XXème siècle. C’est un nouveau format qui comme son nom l’indique n’inclut pas d’étapes. L’heure tourne et le premier ayant clôturé le tour du pays gagnera la course. Michel Mussot est sur la ligne de départ aux côtés de ses 4 concurrents. Il y a deux journalistes et quelques proches venus encourager les coureurs et c’est tout. Le départ est donné et les 5 cyclistes s’élancent pour plus de deux semaines sur la selle. 

C’était le début de l’ultra-cyclisme. Il existait déjà quelques rares courses à l’époque tel que la Race Across America mais leur notoriété était incomparable par rapport aux autres monuments du cyclisme sur route déjà fort médiatisés à cette époque. Et pourtant, aujourd’hui, il semblerait que cette discipline, qui peut sembler inaccessible pour le commun des mortels, soit devenue un véritable phénomène de mode. Avec l’essor de l’Ironman, les ultra-trails ou encore le bikepacking, les athlètes ont tendance à allonger les distances en quête de challenge. Le monde de l’endurance et par extension celui de l’ultra-cyclisme se démocratise et accueille tous les ans des milliers de nouveaux cyclistes en quête d’exploits sportifs. 

Dans les paragraphes ci-dessous, nous allons revenir sur l’histoire de l’ultra cyclisme pour tout comprendre de ces courses d’endurance. Nous allons démystifier ces défis et faire la distinction entre tous les formats existants. Et peut-être que vous vous laisserez séduire par ce format hors du commun pour votre prochain objectif sportif.  Qui sait? 

Quand l’ultra est-il né? 

L’ultra-cyclisme existe depuis que le vélo existe. Cette discipline tire son origine du cyclotourisme et du bikepacking, qui consistent, pour le premier, à voyager à vélo de ville en ville, et pour le second, à randonner à vélo. On repense au journaliste anglais Thomas Stevens, qui en 1884 était parti de Californie pour voyager autour du monde sur un vélocipède. C’est à peine quelques années plus tard, dès 1890, que les voyageurs à vélo se définiront comme des cyclotouristes ou bikepackers. De fil en aiguille, les cyclistes adeptes de ce mode de transport ont transformé le côté voyage en véritable défi sportif, et l’ultra-cyclisme est né ! 

On estime donc que les prémisses de l’ultra-cyclisme datent de la fin du 19e siècle. En parallèle, on retrouve également le début de la course cycliste, qui grimpe en popularité. Le format original était une course de six jours sur vélodrome, afin de tester la distance qu’un cycliste pouvait parcourir dans le temps imparti. C’est le début du cyclisme ultra-distance ou ultra-cyclisme. La vitesse et l’endurance des courses cyclistes mêlées à la débrouillardise, la difficulté des conditions et l’itinéraire du bikepacking/cyclotourisme donneront donc vie à l’ultra-cyclisme, ce challenge sportif et humain qui fait rêver les cyclistes.

Une des premières courses officielles sans assistance eut lieu en 1928 aux Etats-Unis, dont le but de l’époque était de faire la promotion de la mythique Route 66 à travers un parcours de quasiment 7000 km qui relie la côte Ouest à la côte Est en traversant 10 Etats. Cette course, la Transaméricaine, sera la petite sœur de la grande Race Across America qui à ce jour, et depuis son lancement en 1982, s’auto-proclame comme étant la course de cyclisme la plus difficile au monde. 

Le vélo sur des longues distances continuera de se développer sans toutefois se réguler. Il n’y a, à ce jour, toujours aucune fédération officielle de l’ultra-cyclisme. Quelques associations ont vu le jour au fil du temps, mais aucune ne fédère tous les événements d’ultra-cyclisme. On pense à la WUCA ou World Ultra-Cycling Association (connue précédemment sous le nom de UMCA) , qui a été fondée en 1980 pour supporter l’ultra-cyclisme autour du monde. Cette organisation à but non lucratif propose ses propres courses et trophées, et propose également des guides de suggestions de règles d’ultra-cyclisme afin d’harmoniser les courses à travers le monde. Mais ce n’est le cas que pour les épreuves avec véhicules d’assistance. 

Aujourd’hui, Michel Mussot, l’organisateur de la Race Across Belgium, nous confie qu’il existe une volonté de la part de plusieurs organisations de s’aligner davantage sur les règlements et surtout sur l’agenda des épreuves au cours de la saison. Peut-être pouvons nous s’attendre à voir le sport évoluer et être reconnu comme discipline à part entière par l’UCI dans les années à venir? 

A partir de quelle distance parlons-nous d’ultra? 

L’ultra-cyclisme est une discipline du cyclisme dont la particularité est de comporter des épreuves de longue distance. Il n’y a pas de définition universelle ni d’ailleurs de réglementation standard. Pour certains, nous parlerons d’ultra-cyclisme quand le parcours est supérieur à 300 km, pour d’autres le critère sera le temps de l’épreuve soit au-delà d’une journée de 8 heures. Tout ceci est sujet à variations, mais on retiendra que c’est long. Parfois très long… Si certaines épreuves durent moins d’une journée, d’autres peuvent se compter en semaines. C’est le cas des Trans Am, RAAM, TCR, Trans Siberian Extreme, etc. qui s’étalent entre 4.000 et 10.000 km. 

Comment fonctionne une course d’ultra?

Comme dans beaucoup d’épreuves de sport d’endurance, malgré que certains athlètes visent un temps record, il n’est pas rare de voir une majorité de participants dont l’objectif est tout simplement de terminer l’épreuve.  Dans l’ultra-cyclisme, ce qui prévaut c’est le challenge individuel, c’est-à-dire de donner le meilleur de soi-même. Bref, une véritable aventure dans laquelle les cyclistes sont poussés dans leurs retranchements et confrontés aux limites du corps humain. En plus de l’effort physique, les difficultés s’accumulent. Il faut également faire preuve d’un mental d’acier et d’une préparation logistique irréprochable car chaque petite erreur peut coûter cher. 

Chaque course a ses propres règles et contraintes, dont nous allons développer les variantes les plus communes. Toujours est-il qu’une règle est commune à toutes (ou presque) les compétitions d’ultra-cyclisme : sauf quelques épreuves qui proposent des formats en duo, c’est donc bel et bien une pratique individuelle. Il est interdit de rouler en peloton et le drafting est pénalisé. Les coureurs doivent en général maintenir une distance de 100 mètres entre eux. Seul adoucissement de ce règlement, selon certaines organisations, il peut être possible de rouler côte à côte avec un autre cycliste pour une durée maximale de quelques minutes par jour. 

Bien loin des courses cyclistes traditionnelles qui ne durent que quelques heures tout au plus et où les supporters sont bien présents au bord de la route, les coureurs d’ultra se retrouvent la plupart du temps seuls face à eux-mêmes. Ils doivent donc faire preuve d’un mental d’acier pour arriver jusqu’au bout. 

Autre spécificité à l’ultra, les parcours de course s’effectuent pour la plupart sur des distances importantes, ce qui rend impossible de fermer celui-ci à la circulation et que les cyclistes sont amenés à partager la route avec d’autres usagers. Il convient donc de respecter le code de la route. Des pénalités peuvent s’appliquer si nécessaire.

Quelles sont les différents formats d’ultra-cyclisme? 

Comme nous le disions à l’instant, nous pouvons retrouver plusieurs formats de course en ultra-cyclisme. Nous pouvons bien-sûr les différencier par leur distance mais aussi par les conditions de celle-ci. Une épreuve peut-être plus ou moins encadrée. C’est-à -dire que les coureurs bénéficient d’une assistance plus ou moins importante, ce qui influe bien entendu sur le chrono final. Notons que le type de vélo et le matériel devra bien entendu être adapté. Nous trouverons d’une part des vélos extrêmement performant de type contre la montre et de l’autre côté, nous retrouverons des vélos orientés bikepacking pour un maximum d’autonomie, voire gravel ou VTT selon les types de parcours. Nous vous avons fait un petit récapitulatif ci-dessous. Il n’est pas exhaustif mais cela permet déjà d’y voir un peu plus clair.  

1. Les courses en circuit fermé

Les courses d’ultra-cyclisme étant très longues, il est rare que la route soit fermée aux voitures et réservée aux coureurs. On retrouve toutefois sur de petits formats des événements en circuit fermés, notamment les épreuves de 24h ou 48h. Dans ce cas, le parcours est tout à fait prévisible puisqu’il s’agit d’une boucle à répéter. Les coureurs peuvent également s’arrêter pour se ravitailler à tout moment et une équipe d’assistance peut être sur le bord du circuit. Ce sont en général des événements un peu plus festifs qui se prêtent mieux pour attirer des spectateurs. Ce type d’épreuve existe depuis très longtemps et fait souvent partie du folklore local. Ce format existe aussi en relais par équipe.  

2. Avec assistance

Alors que nous quittons les circuits fermés, certaines courses permettent tout de même la présence d’une équipe d’assistance. Cela signifie que le coureur est accompagné d’une voiture et d’une équipe, qui va l’aider tout au long de la course. L’aide est non seulement logistique au niveau du matériel et des ravitaillements, mais aussi humaine (des kinés, coach peuvent être présents dans l’équipe) et pratique, puisque cela permet de rouler en sécurité dans les phares de la voiture par exemple. Nous retrouvons ce format en général sur des distances particulièrement importantes. 

Mais il reste encore une particularité à ces courses avec assistance car celles-ci peuvent s’effectuer de deux manières : avec ou sans étapes. Dans le premier cas, à l’instar du Tour de France, les points sont calculés par étapes puisque les coureurs partent chaque jour en même temps. Cela permet aux coureurs de se reposer entre deux étapes, sauf que certaines d’entre elles peuvent faire jusqu’à 1000km pour le cas de la Trans Siberian Extreme. Dans l’autre scénario, sans étape, les coureurs peuvent alors s’arrêter où ils le souhaitent pour gérer leur temps de repos et ravitaillement. Sauf que le compteur tourne pour tout le monde. C’est le cas de la fameuse Race Across America. 

3. Sans assistance 

Les organisateurs de la course peuvent aussi interdire l’assistance et les coureurs sont alors en autonomie complète tout au long de la course. Le cycliste doit alors s’organiser non seulement pour ses phases de repos mais aussi pour se ravitailler. C’est un format beaucoup plus aventureux. 

Pour réaliser ce type de course, les cyclistes sont parfois obligés de respecter un itinéraire précis et bien défini à l’avance. C’était le cas de la fameuse Paris-Brest-Paris qui a vu le jour fin du XIXème siècle. De nos jours, les coureurs reçoivent alors un tracé GPS qu’ils doivent suivre à la lettre. Cela permet de fluidifier l’épreuve car le coureur peut se concentrer sur son effort physique sans devoir se préoccuper de l’itinéraire. On y retrouve des courses telles que la Trans Am Bike Race, la French Divide, ou encore la Transpyrenee pour ne citer qu’elles. Notons que certaines courses, plus récentes, telles que la Race Across France ou la Race Across Belgium permettent plusieurs options, c’est-à-dire avec ou sans assistance.  

A l’inverse, le tracé peut être libre et il s’agit alors de relier simplement plusieurs checkpoints au cours de la course, mais le reste est à la discrétion du coureur. Alors, la liberté de mouvement est supérieure et le cycliste peut choisir lui-même sa stratégie et donc ses priorités. Cela demande une grande préparation mais aussi une bonne maîtrise de l’orientation en pleine course. Car il n’est pas rare de voir des coureurs devoir changer d’itinéraire en cours de route, que ce soit pour des raisons liées à la météo, des soucis mécaniques ou encore des routes en mauvais état. C’est notamment le cas de la Trans Continental Race qui traverse l’Europe de bout en bout ou encore des événements Bikingman organisés aux quatres coins du monde. 

4. Le challenge libre

Pour terminer notre série, nous retrouvons les défis qui ne nécessitent aucun encadrement particulier. Il s’agit, dans ce cas, de véritables aventures où le cycliste s’élance seul et quand il veut. La seule règle: boucler le parcours au plus vite. En général, il convient tout de même de prévenir les organisations responsables. Afin de valider la prouesse, il suffit de présenter la sortie enregistrée sur strava par exemple et éventuellement d’y ajouter quelques photos le long du parcours. Avec l’épidémie du COVID et l’annulation de la plupart des courses, ce format a pris énormément d’ampleur. C’est le cas de l’Everesting qui consiste à accumuler la hauteur de l’Everest en dénivelé positif sur une même sortie ou encore celui de l’Ultra-D+ Challenge qui rassemble les défis des 7 Majeurs, la Conquête des Ardennes et l’Omomarto.

Il existe en définitive beaucoup de déclinaisons d’ultra-cyclisme, avec plusieurs variantes. Et même si on associe souvent l’ultra au cyclisme de route, la course peut aussi se faire sur des chemins plus escarpés. Il existe des courses spécifiques à la route, au gravel ou au VTT. Dans le monde de l’ultra, il y a presque autant de sous-disciplines que de courses. Il y en donc pour tous les goûts! Alors, on s’y met quand?