#425 [PORTRAIT DE TRIATHLÈTE] “Le jour où je suis devenu champion paralympique aux Jeux de Paris 2024” (avec Jules Ribstein)

🎙️ Dans cet épisode, on reçoit Jules Ribstein, notre champion paralympique de triathlon lors des derniers Jeux de Paris 2024. Quadruple champion du monde en catégorie PTS2, il revient avec nous sur cette journée où il a décroché l’or olympique.

💬 Il nous partage aussi son quotidien d’athlète paralympique et toutes les exigences qu’impliquent ce nouveau statut de champion paralympique. Jules nous parle aussi des défis qu’il relève chaque jour pour mener à bien sa carrière (logistique, sponsoring, visibilité…)

📗 Ressources :

🏃🏼‍♀️ Notre invité :

💬 La transcription de l’épisode

Lire la transcription intégrale

Charly : Aujourd’hui épisode très spécial pour la première fois dans ce podcast nous avons le plaisir de recevoir un médaillé olympique et pas n’importe lequel un médaillé d’or des jeux paralympiques de paris 2024 il est français il domine sa catégorie depuis plusieurs années il s’agit de Jules RIBSTEIN on a eu la chance d’échanger avec Jules pendant près d’une heure nous a parlé de son quotidien de sa carrière et bien sûr il est revenu en détail sur cette journée historique où il a décroché l’or paralympique alors comment est-il arrivé à ce niveau de performance à quoi ressemble le quotidien d’un sportif paralympique qui est aujourd’hui le meilleur du monde dans sa catégorie quels sont les défis qui rencontrent en termes de logistique de sponsoring de visibilité plus généralement de professionnalisation avec Ermanno on a été ravi de recevoir notre tout premier médaillé olympique et de plonger dans les coulisses du handisport de haut niveau en france on espère que cet échange vous plaira autant qu’il nous a passionné et avant de commencer un immense merci pour les notes que vous nous laissez sur vos applications de podcast vous êtes de plus en plus nombreux à nous soutenir avec des évaluations 5 étoiles et ça nous touche énormément si c’est pas encore fait alors prenez quelques secondes pour nous laisser une note et un commentaire cela nous aide énormément à faire grandir le podcast enfin la ressource de la semaine je sais que beaucoup d’entre vous pratiquent le triathlon en solo sans être forcément inscrit dans un club et qu’il n’est pas toujours facile de trouver des personnes autour de vous avec qui échanger et parler triathlon c’est pourquoi je vous invite à découvrir aujourd’hui la communauté d’open triathlon c’est pourquoi je vous invite à découvrir aujourd’hui la communauté d’open tri c’est un espace en ligne où on est plus de 2400 triathlètes français à partager quotidiennement sur l’entraînement la nutrition le matériel prépa mental vous y trouverez des triathlètes de tous niveaux des débutants comme des très expérimentés ainsi que les conseils de nos coachs open tri nos meilleurs guides nos vidéos et de nombreux outils pour vivre pleinement votre passion du triathlon l’inscription est gratuite le lien est dans la description et sur open tri point fr slash communauté on vous y attend nombreux d’ici là c’est parti pour cet épisode je vous souhaite une excellente écoute on va revivre ensemble la

Ermanno : journée où Jules RIBSTEIN est devenu champion olympique à paris 2024 salut les sportifs c’est Ermanno et je suis très heureux de vous recevoir pour un nouvel épisode du podcast Devenir Triathlète x OpenTri premier enregistrement de l’année donc même si entre temps vous aurez déjà eu des épisodes pour la nouvelle année 2025 moi j’en profite officiellement pour vous souhaiter une très très bonne année 2025 qu’elle soit pleine de réussite pro perso et sportif et je vous souhaite une très année 2025 qu’elle soit pleine de réussite pro perso et sportif qu’elle soit pleine de réussite pro perso et surtout et surtout sportive et mon compère Charly justement qui était absent pendant les quelques derniers épisodes je suis très heureux de le retrouver aujourd’hui et en plus lui il est

Charly : au soleil il nous envoie plein de belles lumières plein d’énergie salut Charly salut Ermanno et bonne année 2025 à tous et à toutes on vous souhaite plein de réussite sportive plein de bons moments plein de records perso plein de premiers triathlons plein de premiers iron man franchement tout ce que vous pouvez souhaiter pour 2025 on vous souhaite que ça arrive et que ça arrive bon quand est-ce que tu reviens du soleil toi parce que tu me rends jaloux en fait j’ai fait un peu à la manière de certains athlètes pro je suis allé passer quelques semaines cet hiver au soleil avec beaucoup moins d’ambition sportive mais ça fait du bien de couper un peu et on comprend pourquoi les athlètes viennent là l’hiver pour poursuivre l’entraînement sans trop de sans

Ermanno : trop de turbulence d’ailleurs si vous n’avez pas écouté l’épisode sur la coupure on vous invite à aller l’écouter on a pris le micro Charly et moi tous les deux autour d’une table on a parlé de ces bienfaits de la coupure justement on vient de parler coupure avec notre invité du jour qui a été qui s’est lancé dans une coupure mais forcée pour le coup on est très heureux de tendre

Jules RIBSTEIN : le micro à Jules RIBSTEIN salut Jules salut salut à tous bonjour arnaud bonjour Charly

Ermanno : bah oui j’ai je suis à l’arrêt bon on en parlera tout à l’heure ce que je te propose déjà Jules parce que je me suis rendu compte au fil des enregistrements de ces épisodes de podcast que le meilleur moyen de présenter un invité c’était souvent de le laisser se présenter donc dis nous tout tu prends tout le temps que tu veux mais qui est Jules RIBSTEIN ?

Jules RIBSTEIN : pour ceux et celles qui ne te connaîtraient pas alors bah je suis je suis un mâle un homme de 38 ans c’est la première fois qu’on nous l’a fait celle là Charly c’est vrai j’ai une femme deux enfants je fais du paratriathlon depuis 2017 j’habite à strasbourg et je suis appelé de professionnels puisque c’est vraiment mon boulot et je suis d’ailleurs salarié de du ministère de la défense pour pour faire ça donc c’est vraiment mon métier d’être paratriathlète et j’ai gagné les jeux de paris en 2024 dans ma catégorie et j’espère prolonger sur sur 2028 voilà sur une nouvelle paralympiade donc voilà un peu la situation j’avais après j’ai un passif déjà dans le triathlon en valide avant mon accident avant mon accident de moto

Charly : et voilà nous on est on est très heureux parce que c’est la première fois qu’on reçoit un médaillé olympique ou paralympique sur le podcast si j’ai pas de bêtises Ermanno donc franchement on est très heureux aussi de toucher au plus haut niveau du sport du sport français donc on a plein de questions sur les coulisses de tout ça sur comment s’est passé paris mais aussi des victoires après ce que tu prépares pour 2025 c’est un petit c’est un petit moment de fierté de recevoir aussi un médaillé un médaillé paralympique avec nous aujourd’hui c’est vraiment une belle expérience

Jules RIBSTEIN : tu as ta médaille là jules ou pas je l’ai oui bah elle est dans sa boîte faut que j’aille la

Ermanno : chercher tu veux que je la cherche non non non non non ça se trouve t’as mis tes écouteurs avec non je te taquine non non non c’était c’était juste au cas où parce que c’est vrai que c’est la première fois qu’on a un médaillé sur le podcast en tout cas des jeux olympiques on a reçu il y a quelques temps frédéric van lierde qui lui a gagné hawaii en 2013 mais mais hawaii on le sait c’est pas les

Jules RIBSTEIN : jo donc ouais merci merci jules c’est bien

Ermanno : ouais c’est un peu nos jo du triathlon c’est vrai ouais tiens ça me fait penser d’ailleurs comme tu dis que tu es à Strasbourg j’ai complètement zappé mais je devais te passer le petit bonjour aussi de la part de knack en vrac de jean oui oui voilà on a des petites connaissances en commun ouais mais toi tu es d’où moi je suis là je suis à toulouse mais avant j’étais au Luxembourg ok d’accord et Charly est parti se dorer la pilule à la réunion mais sinon il est breton on fait on fait un peu le tour de la france là aujourd’hui c’est bien jules tu nous as dit en tu nous as dit tout à l’heure que tu fais du paratriathlon depuis ton accident tu peux nous parler justement de ta vie avant et après l’accident en tout cas en tout cas ta vie

Jules RIBSTEIN : sportive ouais bah du coup moi avant mon accident j’étais en j’étais on va dire dans une pratique valide au niveau régional voire national en triathlon et j’avais 22 ans à ce moment là quand j’ai eu mon accident et j’avais démarré mon parcours en triathlon et j’avais 22 ans et j’avais le triathlon en 2000 en 2002 je crois j’avais je crois que j’avais 14 ans un truc comme ça en tout cas et j’avais démarré en rentrant en sport études dans une section sportive scolaire comme il y en a à l’heure actuelle beaucoup en france section sportive scolaire voilà donc faire le lycée dans ce cadre là et puis c’est comme ça que j’ai connu le triathlon c’est comme ça que j’ai progressé et puis après j’ai j’ai j’ai continué à pratiquer quand j’étais en études à l’université et l’objectif c’était de faire plutôt du long avant mon accident de faire plutôt du long parce que j’étais pas assez bon nageur pour être fort sur le cours j’avais fait un peu une croix sur sur l’idée de progresser encore en natation et voilà et puis à ce moment là j’ai eu mon accident et donc après j’ai pas repris le triathlon tout de suite j’ai repris quelques années plus tard à 8 8 9 ans après et du coup j’ai repris mais cette fois ci avec la prothèse de la prothèse de course à pied qui me permet de courir et en paratriathlon uniquement sur le circuit paratriathlon même si ça m’arrive de faire

Ermanno : le même lien d’urgence en e aux kylo dans un circuit de course il est dans ce style là

Jules RIBSTEIN : c’est ça et c’est ça c’est ça mais on s’entraîne bien l’actualité des courses et de la même façon que les triathlètes valident, puisqu’on fait les trois disciplines, on fait quand même pas mal de volume. On n’utilise pas forcément les mêmes matériels, suivant le handicap, mais en tout cas, la trame générale de l’entraînement, elle est plus ou moins la même. Et puis, on a aussi, comme dans le triathlon, une très bonne ambiance. Et puis, ce qui est bien aussi, c’est qu’en fait, on se mélange assez régulièrement avec les valides.

Jules RIBSTEIN : Donc, en fait, on ne peut pas vraiment… J’ai envie de dire, aujourd’hui, on ne peut pas vraiment parler de paratriathlon, mais on pourrait plus parler de triathlon handi, en fait, parce qu’en fait, on fait vraiment du triathlon, il n’y a aucune différence.

Jules RIBSTEIN : parler de paratriathlon, on a l’impression que c’est une autre discipline et souvent, les gens me demandent, mais c’est quoi ? C’est du triathlon ? En fait, oui, mais c’est l’appellation qui est un peu… un peu bizarre. Et puis, après, les différences, c’est quand même que on a une notion de gestion du handicap, de l’appareillage et de la douleur qui vient s’adjoindre à l’effort qui est déjà demandé dans la pratique du triathlon. Et donc, ça, c’est quand même… Moi, qui ai vu l’entraînement intensif en valide et en para, il y a quand même cette notion-là de… de douleur liée à l’appareillage qu’il faut arriver à intégrer dans les entraînements et aussi de contraintes, de contraintes, en fait. Voilà. Mais après, ça reste du triathlon. On se fait plaisir pareil et puis on peut aussi s’entraîner et pratiquer avec les valides. Il n’y a pas vraiment de problème, même s’il faut adapter les allures de temps en temps et des choses comme ça. Et oui, évidemment qu’il y a… Évidemment qu’il y a moins de densité en para-triathlon qu’en triathlon. Ça, c’est évident.

Ermanno : C’était une question rhétorique.

Jules RIBSTEIN : Oui, oui. Alors, c’est d’ailleurs pour ça qu’on arrive plus facilement au niveau paralympique qu’un valide qui voudrait aller chercher les niveaux et les minima olympiques.

Charly : Peut-être pour repréciser, toi, Jules, tu cours en catégorie PTS2. Est-ce que tu peux nous repréciser ce dont il s’agit et quels sont les athlètes, les para-triathlètes qui courent dans ta catégorie ?

Jules RIBSTEIN : Alors, en fait, pour schématiser, il y a 5-6 catégories différentes. Il y a les fauteuils, évidemment, les déficients visuels aussi. Ça, c’est deux catégories bien identifiables. Et après, il y en a 3 ou 4 autres. Ça dépend des Olympiades, des Paralympiades.

Ermanno : Dans les déficients visuels, d’ailleurs, on a Thibaut Rigaudot, chez les Français. Pour citer quelques noms qui nous viennent, notamment chez les Français. Cocorico.

Jules RIBSTEIN : Il y a Anouk, il y a Antoine, Perel, chez les aveugles. Et après, dans les 3-4 autres catégories, on va dire que c’est des handicaps vraiment

Jules RIBSTEIN : moteurs. Physiques.

Jules RIBSTEIN : Donc, on a des niveaux d’amputation, on va dire, ou des niveaux de déficience qui vont de la catégorie 2 à la catégorie 5. Ça, c’est donc les 4 catégories récentes. Puisque, moi, je dis toujours que, pour schématiser, les fauteuils, c’est la catégorie 0 et les déficients visuels, c’est la catégorie 1. Ça permet de comprendre. Et puis, ensuite, on a 2, 3, 4, 5. Et dans celle-ci, en fait, on a une

Jules RIBSTEIN : déclinaison de niveaux de handicap. Et 2 étant la catégorie la plus handicapée, donc c’est la mienne. C’est là où on retrouve des gens qui sont amputés fémorales, donc amputés de la cuisse, à partir de la cuisse. Ou alors, des fois, des handicaps neurologiques du style hémiplégie très légère, partielle, très partielle. Et là, on a un autre Français dans la catégorie qui a fait les jeux aussi.

Ermanno : Chez les femmes, on a

Jules RIBSTEIN : Colline Grabinski. Et chez les femmes, en PTS3, on a Colline. Voilà. Et ensuite, catégorie 4, c’est aussi amputation, mais cette fois-ci, tibiale. Donc, en dessous du genou. Et là, on retrouve Alexis, en quinquant, qui est dans cette catégorie, notamment. Et ensuite, la catégorie 5, c’est la catégorie la moins handicapée. C’est des gens qui ont soit une agénésie sur un des membres supérieurs, donc ils sont nés, par exemple, sans les doigts de la main sur une des mains. Ou alors, une amputation de l’avant-bras au niveau du du du du du , du du Radius et de de l’Ulna, quoi. Donc, du bras. Enfin, de l’avant-bras, ouais. Et donc, ça, c’est des c’est des handicaps assez légers dans la pratique du triathlon, puisque c’est des gens qui arrivent quand même à aller très, très vite.

Jules RIBSTEIN : On a, par exemple, Martin Schulz, l’allemand, qui concourt dans cette catégorie, qui qui court en division 1 nationale allemande et qui fait des tops 30, quoi, avec les valides. Donc, ça, c’est, ouais, c’est assez light comme handicap. En gros, moi, ma catégorie, la catégorie 2, c’est la plus handicapée des catégories debout, quoi. Une fois que t’as enlevé les fauteuils. Parce que, évidemment, courir, courir et rouler à une jambe et courir avec une prothèse où y’a où y’a pas de genoux et tout ça, c’est

Ermanno : compliqué. Et justement, comment tu gères ça ? Enfin, déjà, la première question, je reviens un peu là-dessus, mais comment t’as géré après ton accident, l’amputation et le fait de te dire bah tiens, j’étais pas si mauvais que ça en triathlon. Potentiellement, d’ailleurs, ça pourrait être une question, est-ce que t’avais prévu de faire une carrière dans le triathlon à très haut niveau ? Et maintenant, comment je peux me réinventer et si j’allais chatouiller le

Jules RIBSTEIN : paratri ? Ah, oui. Bah, en fait, comment j’ai géré, moi, alors, j’ai, tout d’abord, la première réaction, c’était de de switcher complètement off le triathlon. Je voulais plus en entendre parler et tout parce que tous mes potes avaient continué et moi, j’étais vraiment sur le carreau et je devais un petit peu me réinventer une vie. Même professionnellement parlant et tout, je pouvais plus faire ce que j’avais l’intention de faire. Et puis, oui, j’avais envie de faire du triathlon, alors, sur distance

Jules RIBSTEIN : L ou XL, mais de manière, on va dire, professionnelle. Alors, à l’époque, en 2008, quand j’ai eu fin 2008, début 2009, on n’était pas, même sur le long, on gagnait pas des milliers d’essence, même en étant dans les tout top world, quoi.

Ermanno : C’est toujours pas le cas. Si t’es pas le meilleur, si t’es pas Sam Lello ou Yann Frodeno, tu gagnes pas grand-chose. Enfin, c’est dur d’en vivre.

Jules RIBSTEIN : Aujourd’hui, quand même, t’as des circuits qui peuvent payer un petit peu, quoi. À l’époque, c’était vraiment pas grand-chose, mais l’idée de s’investir vraiment à fond dans ce sport, ça me beauté, ouais, ouais, bien sûr. Alors, après, bah, c’est pas passé comme prévu, mais tout de suite, j’ai complètement switché, j’ai plus voulu entendre parler de triathlon, et puis après, au bout de quelques années, je me suis dit, bon, il y a quand même les Jeux de Rio où il y avait le paratriathlon, il y a des gars qui ont réussi à faire quand même des perfs sympas. Je regardais un peu les chronos en 2017, et je me suis dit, bah, il y a peut-être moyen de chercher ce niveau-là, et du coup, bah, peut-être faire les Jeux un jour. Donc, c’est ça qui m’a c’est ça qui m’a remotivé à me remettre au triathlon, bien que j’avais dans l’idée quand même d’en refaire un un jour pour essayer d’en finir un, déjà. Mais voilà, après, de faire du haut niveau, c’est venu quand je me suis dit, bah, sur les temps et les chronos, il y a certainement des choses

Ermanno : à faire. Et parce que là, maintenant, tu es employé par un ministère de la Défense pour faire du triathlon, donc, on peut le dire, tu es triathlète professionnel, tu vis de ton sport, mais justement, après ton accident, quand t’as switché, t’as dit je ne veux plus jamais entendre parler de triathlon, tu vivais de quoi jusqu’à… Et à quel moment t’as switché sur le ça y est, je vais pouvoir en vivre, et éventuellement, l’armée t’a proposé un contrat.

Jules RIBSTEIN : Ouais. En fait, au moment où j’ai eu mon accident, j’étais en licence Stabs, donc je finissais ma licence, et puis, je voulais aller au PGHM pour secourir les gens en montagne, et du coup, continuer à faire du sport dans mon quotidien, et continuer le triathlon aussi. Et ça, c’était plus possible, donc à l’époque, j’étais étudiant, donc je vivais de pas grand-chose, mais… Mais… Mais voilà, et ensuite, comment ça s’est fait pour avoir un contrat avec l’armée, sachant que j’ai eu mon contrat avec l’armée seulement fin 2022, j’avais déjà 3 titres mondiaux dans ma catégorie, en fait, quand j’ai décidé… Entre la période-là, j’ai changé d’études, je suis parti faire un BTS d’orthoprothésiste, je suis devenu orthoprothésiste, j’ai bossé 4 ans avec mon diplôme en tant qu’ortho,

Jules RIBSTEIN : et puis, un jour, j’ai quitté la boîte où je travaillais, pour des raisons complètement personnelles, et étant au chômage, je me suis dit c’est peut-être le moment de reprendre le triathlon déjà pour ton plaisir, parce que j’avais plus le temps d’en faire avec le boulot,

Jules RIBSTEIN : et d’essayer de recourir, parce que j’avais jamais recouru pendant toutes ces années, cette petite dizaine d’années, j’avais jamais recouru.

Jules RIBSTEIN : Et voilà, donc ça a été un gros chantier de réussir à recourir avec la prothèse, mais une fois que ça, ça a été ok, je me suis dit, je peux refaire un triathlon, puisque je sais nager, je faisais… Enfin, je continuais à nager, je nageais 2 fois par semaine, et je faisais un petit peu de VTT le week-end, donc voilà, je me suis dit, je peux refaire un triathlon, et j’ai refait le triathlon que j’avais gagné, le triathlon d’Aubernay-Est, je l’avais gagné juste avant mon accident, et donc je l’ai refait, et je l’ai fini, et lorsque j’ai fini ce triathlon, me suis dit, ok, là, tu peux peut-être forcer un peu, et pendant ces 2 années de chômage, j’ai fait que m’entraîner, et du coup, quand j’ai vraiment repris, après, à la fin de ma période de chômage, j’ai eu de la chance, parce que j’ai eu un contrat avec la Caisse d’épargne Grand-Est,

Jules RIBSTEIN : pour un contrat de mécénat, quoi, et ça, c’est ça qui a vraiment lancé l’idée de me dire, ok, j’ai de l’argent pour faire une saison, c’est une première vraie saison, et puis, voilà, après, il y a eu le premier titre mondial,

Charly : tout s’est rapidement enchaîné, après. Et alors, ça, pendant cette période, avant ça, toi, toi, tu te dis que tu vas t’y mettre à fond pendant 2 ans, dans quelle mesure, enfin, tu t’inscris à des épreuves qui sont des épreuves open, j’imagine, pas encore des épreuves réservées aux paras, comment se fait la détection par l’équipe de France, est-ce que tu vas direct, j’imagine que tu ne peux pas aller aux mondiaux de toi-même, tu es obligé de passer par la structure fédérale, comment se fait tout ce cheminement entre le moment où tu dis, je vais m’y remettre, et je vais me remettre sur des épreuves, et le moment où tu arrives à ton premier championnat du monde ?

Jules RIBSTEIN : Oui, alors en fait, j’avais commencé à m’entraîner dans mon coin début 2017, et puis, et puis en juin 2017, j’ai fait le triathlon d’Aubernay, du coup, et puis en septembre 2017, je me suis inscrit au championnat de France, parce qu’en paras triathlon, tu peux t’inscrire au championnat de France, c’est open, et lorsque j’ai fait les championnats de France, j’ai fait 2ème ou 3ème de ma catégorie, j’étais très loin du 1er, en termes de performance, mais c’est là que la FED m’a repéré, et m’a demandé si je voulais intégrer le projet pour l’année suivante. Et donc en 2018, j’avais encore mon chômage qui courait, et j’ai réussi à faire quelques stages avec l’équipe de France, et à faire mon premier championnat de monde toute fin 2018, en ayant fait quelques courses mondiales, parce que en fait, si tu veux rentrer sur le circuit, tu es obligé de marquer des points, et donc il faut qu’il y ait un athlète français qui te laisse sa place à un moment donné au début, sur des manches de Coupe du Monde, sinon tu ne peux pas rentrer. Et donc moi, j’ai Stéphane qui m’avait laissé 2-3 courses pour pouvoir marquer des points, ce qui m’a permis de marquer assez de points pour accéder au championnat du monde en fin d’année 2018, et la première vraie année, c’était

Jules RIBSTEIN : 2018-2019, ça se chevauchait, et fin 2019, j’ai mon premier titre mondial à Lausanne, et voilà, donc ça, c’était un peu toutes ces 3 années de transition entre je reprends dans mon coin, et j’en fais vraiment de manière professionnelle après.

Ermanno : Et puis après, tu as eu du bol, parce qu’après 2019, tu as pu faire une belle saison en 2020, n’est-ce pas, comme tout le monde, comme tous les triathlètes, avec notre

Jules RIBSTEIN : ami le Covid ? Ouais, après, ça ne tombait pas bien, du coup, c’est vrai que pour les partenaires et tout ça, c’était compliqué la période, j’ai vraiment galéré, mais comme dit, j’ai Caisse d’épargne qui avait commencé à me suivre à peu près au même moment, quoi, et c’est pour ça que j’ai réussi à, grâce à ça, à refaire encore 2020-2021, et puis, comme je n’ai pas pu faire les Jeux de Tokyo, parce que ma catégorie n’était pas représentée aux Jeux de Tokyo, elle avait été retirée du programme, je n’ai pas pu faire les Jeux de Tokyo, mais quand même, la FED et le ministère de la Défense et le gouvernement et le ministère des Sports se disaient, pour Paris, il y a quand même quelque chose à jouer avec Jules, et on va lui proposer un contrat en fin 2022.

Charly : Quand tu arrives sur ces premiers championnats du monde, sur ce premier titre mondial, tu te rends compte, du coup, qu’effectivement, tu as le niveau pour aller chercher ce genre de performances. J’imagine que tu penses assez vite aux Jeux paralympiques, et notamment à ceux de Paris. C’est un rêve pour toi, à ce moment-là, un rêve particulier d’aller aux Jeux paras, et la continuité de ce que tu as fait avant.

Jules RIBSTEIN : Alors, en fait, j’avais fait le premier championnat du monde, c’était fin 2018, j’avais fait troisième, donc c’est à ce moment-là que, oui, pour moi, je faisais partie des quatre meilleurs mondiaux, et puis à Lausanne, j’ai vraiment éclaté tout le monde, parce que j’ai mis 2 minutes 30 aux champions paralympiques en titre, de Rio.

Ermanno : Tu m’étonnes que la FED soit dit, il y a peut-être un truc à faire.

Jules RIBSTEIN : Ouais, et puis, alors, à partir de Lausanne, en fait, je me disais, ben, manque de bol, au même moment, on a appris, on apprend que notre catégorie n’allait pas aux Jeux de Tokyo, donc là, c’est con, parce que moi, sur les Jeux de Tokyo, clairement, il y avait une médaille à jouer.

Jules RIBSTEIN : Et puis, après, il y a eu 2020, on n’a pas fait de championnat du monde, on n’a pas fait d’Europe, je crois, mais en 2021, j’ai regagné le mondial, en 2022 aussi, donc, en fait, pour moi, les Jeux, c’était la continuité de ce que je faisais, et c’était aussi une sorte de… c’était devenu une sorte de souhait et de rêve, aussi, du coup, d’y aller, parce que j’avais vu que j’avais le potentiel pour y aller, et puis pour faire quelque chose. Ça m’aurait fait chier, honnêtement, d’aller au jeu pour faire huitième ou un truc comme ça, ça m’aurait moyennement intéressé, mais du coup, là, ouais, clairement, dans ma tête, c’était devenu un objectif, et d’y aller pour gagner, et puis

Jules RIBSTEIN : il y avait, en toute logique, même si dans le sport de haut niveau, il n’y a jamais vraiment de logique, mais en toute logique, il devait y avoir

Charly : quelque chose à faire, en tout cas. Et il y a eu quelque chose à faire, puisque si nos auditeurs ne l’ont pas suivi, tu es allé décrocher la médaille d’or à Paris. Est-ce que tu peux nous parler un peu de cette course, de comment tu l’as vécue, des émotions que ça procure, de tout ce que ça concrétise, à ce moment-là, juste le matin de la course, c’est dans quel état, qu’est-ce que ça représente, pour toi ?

Jules RIBSTEIN : De mon point de vue, on avait eu quand même beaucoup de pression par rapport à cette course-là, cette Paralympiade, ça faisait, j’ai envie de dire, franchement, six mois après Tokyo, même pas, parce que Tokyo, ça avait lieu en 2021, donc trois, quatre mois après Tokyo, la FED, ils étaient déjà à bloc sur Paris,

Jules RIBSTEIN : donc on n’a vraiment pas eu tant de décompression entre la préparation, éventuelle, de Tokyo, pour moi, et

Jules RIBSTEIN : le switch sur Paris, en fait, moi, j’ai pas fait de pause en 2020-2021, j’ai tout enchaîné, et c’est vrai que la dernière année, les deux dernières années avant Paris, c’était vraiment un gros, gros niveau de pression, pour tout le monde, pour les athlètes, pour les FED, pour l’État, pour tout le monde, et donc moi, je suis arrivé sur les Jeux, quand même, déjà à point, quoi. J’étais bien, j’étais cuit, mentalement et physiquement, par tout ce que j’avais vécu les deux années précédentes.

Ermanno : Charly, t’imagines s’il avait pas été cuit ?

Jules RIBSTEIN : Et en fait, ouais, non, mais en fait, alors, c’est peut-être prétentieux de dire ça, mais j’aurais dû gagner avec plus qu’une minute trente d’avance.

Ermanno : Ben c’est ça, c’est ce que je voulais dire, si t’avais pas été cuit, t’aurais mis vingt minutes.

Jules RIBSTEIN : Mais je dis ça par rapport à certaines, séances que j’avais pu réaliser à l’entraînement, mais aussi, comme je suis quelqu’un qui est très sensible à la pression et à l’anxie, je suis un peu anxieux et tout, donc j’ai eu du mal à gérer l’aspect mental avant ces Jeux, et donc la question, tout à l’heure, quand tu dis le matin de la course, en fait, le matin de la course, ça faisait une semaine que je prenais des Stilnox toutes les nuits pour dormir, donc en fait, j’étais vraiment la tête, vraiment dans le cul, quoi.

Ermanno : Mais c’est pas sur la liste des produits interdits, le Stilnox ?

Jules RIBSTEIN : Non. Sinon, t’en parlerais pas. Tu peux, tu peux. Et donc, d’ailleurs, c’est noté sur mon contrôle anti-dopage des Jeux, mais voilà, donc, là, il y avait ça, d’abord, et puis ensuite, c’est vrai que sur la course, j’ai réussi à profiter, on va dire, de la course en elle-même à quelques petits moments sur le vélo quand il y avait tellement de monde qui nous criait dessus que là, j’ai réussi à profiter, et évidemment, la dernière ligne droite sur le tapis bleu, là, il n’y avait plus de doute que je devais gagner, donc là, j’ai réussi à profiter aussi, mais c’est vrai qu’avant ça, déjà, j’étais un peu sonné par mon état physique le matin et aussi par l’enjeu, je pense, et donc j’ai rapidement été en mode robot, juste fait quoi, fait juste, et puis on verra à quel moment tu pètes ou pas, quoi.

Ermanno : Bon, ben là, pour le coup, t’as pas pété, c’est top.

Jules RIBSTEIN : Et du coup, ça s’est vraiment goupillé beaucoup mieux que je ne l’espérais, en tout cas, le matin avant le départ, vu mon état de forme, et en fait, ça m’a porté préjudice parce que j’étais très proche de la crampe un peu partout pendant toute la course, le fait d’avoir très très mal récupéré les jours d’avant, ça m’a porté préjudice pour ça, mais j’ai réussi à le gérer en m’étirant de temps en temps sur le vélo et aussi en prenant absolument tous les risques. À vélo, par exemple, j’ai pris tous les risques. J’ai fait pareil au mondial et du coup, je me suis pété la clavicule, mais au jeu, c’est passé. En termes de pilotage et tout, et puis même, après, à pied, j’ai juste essayé de gérer pour ne pas avoir les crampes qui me guettaient, pour pas qu’elles arrivent vraiment, et que je puisse finir mon 5000 sur une allure, on va dire, soutenable à l’entraînement.

Ermanno : Il y a une autre particularité dans le paratriathlon, ou dans le triathlon handi, pour reprendre tes termes, c’est le staff aussi qui accompagne, qui intervient. Tu en as rapidement parlé tout à l’heure. Tu l’as mis au même niveau que la gestion de la douleur aussi, mais c’est vrai qu’on est échangé avec Jérémy Guérin sur un épisode. Donc, Jérémy Guérin qui est le coach et le mécanicien de l’équipe para, enfin coach, le soutien de l’équipe para. Comment est-ce que tu gères ça aussi ? Toi qui nous disais que justement, tu étais assez sensible au stress et à l’anxiété. Comment tu gères aussi la relation avec le staff à côté ? Parce que quand tu es un peu tendu, tu dois avoir tendance peut-être à donner des instructions qui ne sont pas forcément très précises. J’imagine que c’est réglé comme du papier à musique, que vous vous connaissez super bien et que limite, tu n’as pas besoin de parler.

Jules RIBSTEIN : On se connaît super bien avec tout le staff para maintenant, parce que moi, je suis dans l’équipe depuis 2018.

Jules RIBSTEIN : le staff n’a pas trop évolué. Jérémy nous a rejoint à peu près en 2020, quelque chose comme ça. Et avec le staff, il y a des moments de tension, il y a des moments beaucoup plus détendus, mais ça, c’est comme dans tout groupe et dans toutes les… tous les foyers, je veux dire, en fait, c’est des relations humaines. Alors, tout le monde est soumis à la pression. On a tous notre niveau de pression à gérer parce que, mine de rien, il y a beaucoup d’attentes quand on fait des jeux en France pour les Français. Et il y a des carrières qui se jouent, parce que le staff, c’est des employés soit des salariés de la FED, soit des salariés du ministère. Donc, il y a des carrières qui se jouent, qui jouent sur les résultats des athlètes, pas seulement les carrières des athlètes. Et donc, voilà, dans les groupes, il peut y avoir des tensions. Et comment on gère ça ? De manière tout à fait classique, comme on gérerait une relation de travail dans n’importe quelle entreprise, en fait. Parce qu’on est souvent ensemble, on est aussi dans des moments, pas nuit et jour, mais… sur des journées beaucoup plus longues qu’une journée de travail normale, on est amené à se côtoyer. Donc, voilà, c’est gestion du groupe, quoi.

Ermanno : Ouais, enfin, quand t’es en plein dans ta compétition le jour des JO, c’est pas vraiment une relation de travail habituelle. T’as un peu plus de pression, quoi. Tu fais une presse devant le CEO, là.

Jules RIBSTEIN : Ouais, alors, c’est marrant parce que ces derniers jours, avant les Jeux, c’était… Enfin, pour moi, c’était… énormément de pression, mais en même temps, on a réussi quand même à plutôt bien le gérer dans le groupe, dans le sens où l’ambiance dans le groupe, elle était bonne. Pendant la semaine qui précédait les Jeux, quand on était au village, l’ambiance, elle était bonne. Il n’y a pas eu de grosses tensions. Et tout le monde a quand même… Parce que le groupe, il est assez conséquent. Je sais plus, on était peut-être une dizaine d’athlètes et puis une dizaine de staff. Donc, c’est une vingtaine de personnes. Qui vit ensemble. Et on a tous réussi à donner le meilleur de nous-mêmes en termes de relations par rapport aux autres pour que le groupe fasse soit dans les meilleures dispositions le jour de la course. Il y a eu plein de péripéties. La course reportée, les mails de changement, mais peut-être de duathlon, mais peut-être de changement de parcours natation. C’était tellement… On était soumis à tellement de changements possibles, de trucs qu’à un moment donné, en fait, tu lâches parce qu’il y a trop de… Il y a trop d’interrogations et de… Et de trucs. Donc, tu te dis en fait, on verra juste ce qu’on fait lundi prochain ou dimanche prochain, mais il paraît qu’on a une course.

Ermanno : Limite, tu le prendrais presque comme un entraînement. Tu vas avec tes potes faire un entraînement puis tu verras ce que ça donne.

Jules RIBSTEIN : À la fin, franchement, on était au village olympique et tout, mais avec World Triathlon, il y avait tellement de changements possibles que c’est vrai que tu te dis là, il faut que je relativise tout parce qu’en fait, ça se trouve on va faire un duathlon, ça se trouve…

Charly : Et entre la pression de la dernière semaine et les incertitudes liées à la course, j’imagine que la part, pour profiter de l’événement, pour profiter de ce truc qui va arriver une fois dans une vie à Paris, elle est restreinte. Tu as réussi à en profiter quand même ?

Jules RIBSTEIN : Moi, je n’en ai pas profité. Je te dis, de toute façon, je venais pour gagner. Si je ne gagnais pas, je l’aurais très mal vécu. Et du coup, je m’étais mis une pression aussi moi-même gigantesque. Et donc, je n’en ai pas profité. Je n’ai pas profité du village. J’en ai profité après, la semaine d’après, où là, on a vraiment relâché toute la pression. On a fait la fête avec le groupe. On a fait la fête avec les gens, avec beaucoup de monde au village et tout, au Club France. Donc ça, c’était super chouette. Mais avant la course, non, je n’en ai pas profité des jeux.

Jules RIBSTEIN : Alors, tu vois, si tu y vas, parce que tu sais que chez les Valides, par exemple, tu vas faire 30e ou 40e des jeux, ou chez nous, si tu fais 10e, c’est comme si tu fais 40e chez les Valides. Tu te dis OK, je vais profiter de mon expérience des jeux. Je vais rigoler avec tout le monde avant la course et tout. Mais quand tu vas pour gagner,

Jules RIBSTEIN : pour moi, en tout cas, vu ma personnalité, c’était très dur de pouvoir en profiter. C’était une superbe expérience en termes de, par contre, de chemin et de processus psychologique, mental et tout ça. Mais c’est vrai que, sur le coup, je n’en ai pas vraiment profité, à part les deux ou trois moments dans la course où j’ai réussi à me dire quand même, là, c’est chouette.

Ermanno : Tu m’étonnes, tu m’étonnes. Et qu’est-ce qui se passe ? Je me garde ma petite question. D’abord, est-ce que, rapidement, en quelques minutes, tu pourrais nous refaire la journée, justement, de la compétition, du moment où tu te lèves jusqu’au moment où tu es sur le petit tapis bleu ? Et puis, je garde la dernière question pour après.

Jules RIBSTEIN : – Alors, la journée, on va dire qu’elle commence le faux jour. Donc, le jour où on devait faire la course et où on se réveille à 4h. Et là, on est en train de se réveiller. Et là, moi, machinalement, je prépare mes dernières affaires pour sortir de ma chambre. Et le kiné toque à ma chambre en entendant le bruit et il me dit, tu peux te recoucher, c’est pas aujourd’hui. Et donc, là, bon, déjà, j’étais pas de très bonne humeur parce que j’étais fatigué et de me lever à 4h, ça m’énervait. Mais du coup, j’étais encore de moins bonne humeur. Et j’ai pas réussi à redormir, évidemment, parce qu’après, bon, il est 5h du mat’, t’es réveillé. Et bon. Donc, je me suis reposé quand même. Et puis ensuite, ça, c’était le jour officiel. Donc après, on a meublé, on est allé nager, on a fait des choses, on a meublé un peu cette journée bizarre. Je me suis recouché, j’ai repris un Stilnox et je me suis réveillé avec mon réveil à 4h, donc le vrai jour, cette fois-ci. Et là, on avait pas eu de notification mail devant le triathlon, donc ça voulait dire que la course était maintenue. Et donc, cette fois-ci, je refais mes affaires. Donc, je pars. Je crois que j’ai mangé un truc encore à 5h30. J’ai mangé un truc, mais pas trop. J’ai pas fait un vrai repas. Ensuite, on prend les bus et tous les machins. Les vélos étaient déjà chargés, étaient déjà sur le site parce qu’ils avaient posé les systèmes anti-drafting, là, et puis sur les vélos. Et puis, ils étaient déjà parqués

Jules RIBSTEIN : sur le parc à vélos, déjà. Et donc, on a pris nos dernières petites affaires, le bus, et puis on est arrivé sur le site. Là, moi, je me suis échauffé en faisant un ou deux tours de vélo, je crois que j’ai fait, pour m’échauffer. Et puis, ensuite, en fait, t’as tellement de choses à faire que ça passe hyper vite les 3h avant la course. Parce que la course a été à 9h, je crois. Départ à 9h. Et donc, tu dois faire tes dernières affaires, repasser au checking, faire vérifier encore ton matériel par World Triathlon. Tu dois, en même temps, t’échauffer, retourner au parc à vélos pour poser tes dernières affaires, les prothèses, la prothèse de sortie d’eau, celle qui est au parc à vélos, celle qui est la transition 2. Parce que, tu vois, comme on avait deux transitions, on avait la sortie d’eau et puis une deuxième transition T2 qui était sur le pont, cette fois-ci. Donc, tu fais pas mal d’aller-retour et tout. Et en fait, ça passe super vite. Et après, le moment de se changer et de mettre la tenue, les combis, tout ça, et puis d’aller au départ. Là, il y a l’introduction des athlètes. Donc, tu dois passer par le protocole et tout aussi. Donc, il faut gérer à quel moment tu mets ta combi pour pas surchauffer. Est-ce que je mets la prothèse ? Parce qu’une fois que t’as la combi, tu peux plus mettre la prothèse. Donc, comment tu fais pour marcher, donc t’as tous ces petits détails-là qui prennent la tête en paratriathlon et qu’il faut avoir quand même plus ou moins calé à l’avance. Et puis ensuite, après l’introduction des athlètes, tu vas sur le ponton et là, moi, je me sentais pas bien du tout. Mais personne l’a remarqué. Je faisais semblant.

Jules RIBSTEIN : Et je suis parti en hâte. Je suis parti à fond comme… Comme si j’avais que la descente de la Seine à faire sans la remonter. Et au demi-tour, c’était pas vraiment un demi-tour puisqu’on avait deux bouées parallèles. Donc, on devait faire

Jules RIBSTEIN : une largeur de Seine. Ça devait représenter 70 mètres, un truc comme ça. Donc là, tu prends le courant vraiment sur le flanc. Et à ce moment-là, j’étais deuxième derrière Marc Barre que j’ai pas réussi à chercher en natation. Et par contre, j’ai fait un bon virage en crabe, qui était plutôt bien négocié. Mais je commençais déjà à avoir des crampes dans les triceps et dans les bras.

Ermanno : Faudrait que tu nous dises ce que c’est qu’un virage en crabe.

Jules RIBSTEIN : Bah, tu sais, quand tu prends le courant de flanc et que tu dois traverser la Seine, en fait, c’est comme si t’es en dérapage avec la voiture, tu sais, avec le frein à main. Et par contre, il faut que tu drifts, tu vois. Et il faut que tu redresses en majorant ta trajectoire pour anticiper la violence du courant. Et donc, en fait, ce virage-là était plutôt bien négocié. Donc, j’étais à 30 mètres de Marc, mais avec le courant de face, après, j’ai jamais réussi à le reprendre parce que j’étais trop loin. Et par contre, j’ai tiré le belge qui était dans mes pieds sur toute la remontée, mais j’avais… J’arrivais pas à aller plus vite et j’arrivais pas en même temps à me dire, je vais le laisser passer parce que ma trajectoire, elle était plutôt bonne. Donc, il fallait mieux que je la conserve. Et j’ai fait vraiment la nata bloc en crabe. En commençant à cramper déjà sur les triceps. Et après, à la transition, en fait, moi, j’avais pris le choix de mettre un shorty néoprène et pas mettre la combi intégrale parce que j’aime pas nager en combi, premièrement, et puis parce que je voulais gagner du temps à la transition. Et à la transition, j’ai dépassé Marc qui était à l’origine 30 mètres devant. Et donc, je pars en vélo premier et là, j’ai décidé de continuer, à faire le vélo de la même manière que la nata, donc à fond, vraiment sans réfléchir. Et je faisais chaque tour à bloc, comme s’il n’y avait qu’un tour. Il y avait 5 fois 4 kilomètres. Comme s’il n’y avait qu’un tour. Et en fait, petit à petit, avec cette stratégie, on va dire débile de mettre tout all out, je prenais 5 secondes par tour sur le deuxième, je crois. 5 ou 10 secondes. Et du coup, j’ai réussi à poser le vélo avec une avance de 45 secondes d’une minute. Et à partir de… de là, je me suis dit, ok, il faut que tu gères la course à pied et si tout se passe normalement, il ne devrait pas réussir à revenir. Même s’il y avait des meilleurs coureurs que moi, il ne devrait pas réussir à revenir. Et voilà.

Ermanno : Avant de te poser la question que j’avais en tête tout à l’heure, petit disclaimer pour les auditrices et les auditeurs, ne faites jamais ça. On ne dit toujours pas l’erreur de débutant, de partir à fond, d’accélérer au milieu et de finir à pleine balle. Là, c’est juste parce que toi, tu es un sportif professionnel, tu connais ton corps et tu l’as fait. Tu étais à la limite du rupteur à chaque fois, mais tu t’es dit, tant que ça passe,

Jules RIBSTEIN : j’y vais. En fait, ma stratégie, c’était soit tu gagnes, soit tu fais huitième, mais il n’y a pas d’entre-deux. Donc, en gros, vu mon état, il fallait vraiment que je prenne tous les risques possibles, dans l’engagement et dans les trajectoires aussi, quitte à un moment à exploser. Mais sur le vélo, je me disais, ça fait trois tours que tu es devant, les gens, ils sont fous, ils sont trop contents de voir un Français devant, même si tu perds et si tu dois exploser à un moment, au moins, il y aura eu du spectacle et puis, ça aurait été chouette, quoi. Ça aurait été pas une course de merde, quoi. Et donc, et comme ça, en arrivant avec un petit peu d’avance à pied, j’ai pu gérer plus ou moins la course à pied pour pas déclencher la crampe qui venait et voilà.

Ermanno : Bon, et du coup, j’en arrive à ma question. Ça fait quoi, justement, quand t’es sur ce deuxième petit moment où tu vas pouvoir profiter, tu commences à fouler le tapis bleu, et là, tu sais que…

Jules RIBSTEIN : En fait, là, à ce moment-là, le dernier, il y avait virage à droite, puis tapis bleu. À ce moment-là, je pense que sur les 100 mètres de tapis, j’ai repensé à énormément de choses, de tout le travail qui avait été fait, de ma famille, et puis j’ai croisé le regard de Noémie et des enfants, donc, j’étais dans la tribune, juste avant la ligne d’arrivée, et puis j’ai pris le drapeau au passage, le drapeau français que quelqu’un me tendait, je connaissais pas cette personne, mais c’était des moments qui sont passés super vite, mais où il s’est passé plein de choses dans ma tête, et surtout un sentiment de…

Jules RIBSTEIN : d’accomplissement et de… relâchement, tu vois, de soulagement, d’y être enfin arrivé, après avoir manqué Tokyo par manque de chance, quoi, et puis après avoir travaillé autant pour Paris, parce que quand même, les dernières… les dernières années, c’était sévère, l’entraînement. Je me souviens du dernier stage à Livigno, où j’étais tout seul, quasiment pendant 6 semaines, 5-6 semaines, je m’envoyais des trucs, des journées, c’était costaud, et des séances que t’as pas envie de faire.

Jules RIBSTEIN : Et j’ai repensé à tout ça, et là, c’était vraiment le soulagement de se dire putain, mais ça y est, quoi, j’ai réussi, on a réussi, avec l’équipe, avec la famille et tout, quoi.

Ermanno : Et là, tu passes la ligne, et là, il se passe quoi ? Tu fonds en larmes ? Je passe la ligne, j’ai pleuré direct,

Jules RIBSTEIN : j’ai pleuré direct, parce que j’avais trop de… beaucoup, beaucoup trop de tensions en moi depuis trop de temps, et donc c’est sorti comme une… une madeleine, tu vois. Comme quand on dit, tu pleures, tu chiales comme une madeleine, c’était vraiment ça. Et en même temps, j’étais content, et en même temps, j’y croyais à moitié, et je commençais à réaliser en fait que c’était fait, quoi. J’avais passé vraiment la ligne en premier, alors que alors que on attendait ça de moi depuis 4 ans, quoi.

Ermanno : Charly, tu voulais réagir, peut-être, parce que je suis en train de monopoliser les questions à Jules.

Charly : C’est incroyable d’avoir ce retour-là aussi, parce que nous, on voit les images à la télé, on te voit passer la ligne, on voit le drapeau, on voit que c’est un moment fort en émotion, mais c’est incroyable d’avoir ton retour après ça. Moi, la question, c’est une fois que t’as ce titre-là, que la pression retombe un peu, que tu réalises le truc que tu viens de faire, c’est quoi l’état d’esprit ? Est-ce que t’as encore faim pour aller chercher plus loin, pour aller chercher d’autres titres ? Ou est-ce que, d’abord, t’as envie de récupérer, et tu verras bien de quoi sera fait d’être la suite ?

Jules RIBSTEIN : Bah, en fait, alors après, ouais, là, j’avais plus du tout envie, de… Enfin, voilà, j’avais fait le boulot, j’étais super content. Sur le moment, en même temps, je me disais, bah, il va falloir réussir à savourer dans les prochains jours, parce que ça va passer super vite. Et puis après, on nous a collé les championnats d’Europe trois semaines après, et quand t’as une sélection, bah, il faut que tu l’honores. Donc, moi, j’étais sélectionné, donc c’était pas envisageable que j’y aille pas. Et donc, j’y suis allé, mais vraiment avec très peu d’entraînement, et j’ai réussi à gagner, mais là, c’était un peu plus… un peu plus, ouais, border. Et après, bah, il y avait le Mondial, encore trois semaines après, et là, c’est pareil, c’était pas concevable que je le fasse pas, mais dans l’idée aussi, j’avais envie de faire le triptyque

Jules RIBSTEIN : avec le Mondial, les Euros et les Paralympiques dans la même année, ça aurait été vraiment chouette. Mais, bah, c’est pas passé parce que je suis tombé en vélo, et voilà. Maintenant que j’ai ma clavicule qui est en train de se réparer, et qu’après avoir vécu mes aventures sur le Mondial, je me disais bah là, tu pourras plus rien faire pendant un certain temps, donc j’ai eu vraiment un moment pas bien en courant le mois de novembre, tout ça.

Ermanno : Faut dire, la météo, elle aide aussi, c’est les meilleurs moments pour bien profiter.

Jules RIBSTEIN : Et donc, en fait, là, ça fait deux mois et demi que j’ai rien foutu, pas une minute de sport, donc je suis un peu dans un état d’esprit où j’ai envie de m’y remettre pour aller chercher de nouveau le maximum, c’est-à-dire, ce que j’aime bien, moi, c’est exploiter le moteur à fond, tu vois. Donc, mon leitmotiv, c’est ça, c’est de voir jusqu’où je peux arriver à aller.

Jules RIBSTEIN : Et je pense que ça va être vraiment ça qui va me remettre dans le bain. C’est… Et puis, après, malheureusement, j’ai des douleurs dans l’épaule, donc il faut que je gère ça aussi. Et j’ai pris 10 kilos aussi, donc

Jules RIBSTEIN : il faudra aussi que je maigrisse.

Charly : Ça, ça va avec la médaille olympique, ça. C’est dans le package. Médaille olympique.

Jules RIBSTEIN : Mais voilà, après, vois, bizarrement, je me stresse pas, parce que, même si je suis quelqu’un d’assez anxieux et tout, la clavicule, quand même, ça m’a posé pas mal de questions. Mais j’essaye de rester optimiste. Et je me dis… C’est en 2025 qu’il faudra reprendre au plus tard, au mois de mai, sur Yokohama, parce que il faudra que je recommence à marquer des points si je veux aller au mondial.

Jules RIBSTEIN : Mais je reste optimiste et après, bah oui, évidemment, j’ai encore envie de gagner. Quand t’as gagné les Jeux, c’est super chouette. Comme ça, c’est une sensation, donc t’as envie de les revivre. Donc, j’ai encore envie de gagner. Et puis, je pense pas que si ma clavicule se répare et tout, je pense pas que je suis fini à 38 ans. Je pense que j’ai encore des possibilités, tu vois.

Ermanno : Je sais pas si Fred Bellob, ça te parle. Non, les Français, vous connaissez pas Fred Bellob. Bon, à son père, je le cite toujours en exemple. J’ai eu Fred sur le podcast. J’ai eu Georges, son papa, 80 ans, il est toujours champion de France. Bon, sur du sprint, mais… Et peut-être parce que c’est aussi le seul, à 80 ans, à faire encore du tri. Mais non, je pense pas qu’à 38 ans, tu sois hors du circuit

Jules RIBSTEIN : quand même. Ouais, voilà, après, à Los Angeles, dans longtemps, je vais voir, je vais essayer de faire déjà une deuxième partie de 2025, on va dire, normale, correcte. Et puis, après, on verra, mais il y a de belles choses, tu vois. De gagner les Jeux, ça me permet de signer chez Giant, tu vois, donc c’est cool. Maintenant, je vais avoir vraiment un partenaire un partenaire dans le milieu du tri, quoi que j’avais pas avant. Il y a des petites choses comme ça qui sont sympas et qui te motivent aussi qui te motivent aussi à l’équipe, l’équipe change, elle se renforce aussi un peu, donc ça te motive

Ermanno : à faire des choses. Ouais, c’était la question que j’allais te poser. Après, c’est… Et quand tu gagnes les Jeux, justement, est-ce qu’il y a des choses qui se débloquent, en termes de partenariat, en termes de sponsoring, même avec l’armée ? Toi, c’était un contrat jusqu’au JO, ou

Jules RIBSTEIN : c’est un contrat qui se prolonge ? Ouais, c’était un contrat plus ou moins jusqu’au JO, parce qu’il a… Il se finissait l’année… Il se finissait en octobre, donc j’avais eu une prolongation d’une année, et là j’attends une prolongation officielle pour encore deux années supplémentaires, donc ça ferait trois ans par rapport à fin 2024, tu vois. Donc ça, ce serait vraiment bien que ça soit officiel et que ça se fasse. Ensuite, il y a Giant France qui est super cool, où je vais être quand même bien soutenu, et puis après, en termes de partenaire perso, malheureusement, il y en a qui ont arrêté, parce que c’était prévu, puis là je suis en train de voir pour prolonger ce que j’avais, qui voudrait potentiellement rester dans l’aventure encore quelques années, Non, non, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ça n’a rien ramené de plus, en fait, en termes de partenaire, et c’est vrai que moi, là, je suis… Je suis un peu étonné moi-même, aussi. Alors, je ne suis pas un dingue de la com, et je ne fais pas beaucoup de com, et je ne travaille pas beaucoup ces aspects-là, donc c’est aussi quelque part de ma faute, mais personne n’est venu toquer à ma porte en me disant c’est génial, Los Angeles 2028, quoi. Alors que Paris 2024, déjà, en 2021, 2020, il y a des mastodontes français qui l’avaient dans le

Ermanno : viseur, quoi. Bah, les Jeux à la maison, et c’était aussi une autre question que j’avais, c’est, bon, ok, 2028, c’est LA, les Américains, ils font les choses en grand, je pense que ce sera tout aussi grandiose que les précédentes éditions des Jeux Olympiques, en revanche, c’est pas les JO à la maison, donc est-ce que t’as l’impression, même si tu vas à LA, que ce sera une step en dessous, ou au contraire, tu y vas, déjà, avec la rage au bide, ou avec l’envie de gagner ?

Jules RIBSTEIN : Ah non, non, ce sera pas en dessous, moi, si j’y vais, je voudrais gagner, c’est sûr, donc ce sera pas, pour moi, en termes d’investissement, ce sera pas en dessous, je m’investirais, pareil.

Ermanno : Je pensais plutôt, tu vois, en termes de kiff, en termes d’expérience, en termes de, bah, tu l’as dit, sur les JO de Paris, 2021, il y avait déjà des gros partenaires français qui commençaient à taper à la porte et à se faire connaître, là, les partenaires français, je suis pas sûr que ce soit sur leur feuille de route, tu vois.

Jules RIBSTEIN : Non, non, non, clairement, donc en termes de discrétion, ce sera un peu plus discret, ouais, comme certainement, mais après, ça n’empêche que le défi sportif, il reste le même, c’est de gagner des jeux, donc, après, il faudra juste voir dans quelle mesure j’arrive à

Jules RIBSTEIN : reprendre mon plein potentiel, d’ici quelques, sur le processus de six mois qui arrive, là, et après, dans quelle mesure je suis suivi aussi, et si ces deux conditions-là sont dans le vert, et bien, alors, on peut tout à fait envisager de s’investir à fond sur 2028, ce sera différent, sans doute, mais voilà, de toute façon, il y a tellement de choses qui se passent dans le monde en ce moment, et ça va tellement vite que tu peux pas prévoir grand-chose.

Charly : Ça, c’est clair, c’est clair. Et petite question, là, si je vois que le temps tourne, alors, je vais essayer de faire court là-dessus, sur la partie préparation, du coup, tu es encadré par la FEDE, naturellement, faisant partie de l’équipe de France, concrètement, comment ça se passe, en termes d’encadrement ? Toi qui vis à Strasbourg, j’imagine que t’as pas forcément de coach sur place, en tout cas, de coach de la FEDE sur place, tu nous parlais tout à l’heure d’un stage que t’as fait quasi solo avant les Jeux, comment ça se passe, concrètement, ce que l’équipe fédérale peut mettre en place pour toi, pour ton

Jules RIBSTEIN : entraînement ? Alors, quand on est en stage, quand on est en stage fédéral, bon, bah, on est en regroupement, donc là, on a tous les moyens qui sont alloués, techniques, humains, tout ça, et financiers aussi, quand on est dans ce niveau de performance, là, hormis quelques détails, des fois liés, des fois liés au matériel prothétique, par exemple, où là, il faut, bah, voilà, il faut trouver des solutions soi-même, mais,

Jules RIBSTEIN : mais après, quand je suis à la maison, j’ai deux coachs, moi, j’ai un coach de natation, et puis j’ai des sparring partners en natation, et j’ai un coach qui me fait ma planification annuelle, perso, donc, en fait, ce staff-là, on travaille, bah, on travaille en relation avec le staff fédéral, dans le sens où, bah, de temps en temps, ils nous demandent un petit peu des retours, des comptes, quoi, donc, là, il faut, bah, il faut réussir à faire ce qu’on veut faire, mais tout en leur, tout en leur, en les laissant s’immiscer dans le projet, et puis après, à chaque fois qu’on est en stage fédéral, moi, je me, plus ou moins, je me plie à, enfin, en tout cas, ça fonctionnait comme ça jusqu’à présent, je me pliais au programme du stage sans trop de, sans trop de réticence, et j’affinais juste certaines séances, mais, bah, ça me posait pas de problème sur certains temps de l’année de faire des choses qui étaient pas forcément exactement les mêmes que je fais tout le temps. Donc, non, non, ça se passe très, très bien,

Jules RIBSTEIN : et, voilà, on a, jusqu’à présent, on a eu la chance d’avoir un bon groupe, donc, ça favorise aussi l’entraînement en commun, et après, à la maison, je m’entraîne quasiment tout seul, tout le temps, sauf, bah, voilà, quand je suis en natation avec mes sparrings, quoi, mais sinon, le reste, je fais tout seul, et, euh, et quand je suis en stage tout seul, c’est parce que j’ai fait des choix de stage qui étaient différents de, des propositions fédérales, donc, après, bah, soit j’arrive à faire venir mon coach, ou soit pas, mais, donc, je gère, je gère tout seul.

Ermanno : Et ce qui veut dire aussi, enfin, j’aimerais que les gens se rendent compte que, en termes d’orga, c’est pas la même chose quand t’es un sportif encadré par une fédé, que tu vis à l’INSEP, et que t’as tout ce qu’il faut sous la main pour t’entraîner, les infrastructures, le staff, etc., et quand, comme toi, ou comme beaucoup de triathlètes, on est en mode solo, toi, quand tu vas nager, bah, tu te démerdes pour avoir ta ligne, tu te démerdes pour avoir tes sparrings, tu te démerdes pour avoir un créneau à la piscine, voire même, peut-être que tu nages avec l’équipe de Strasbourg, mais c’est pas, tu vas à la piscine de l’INSEP quand ton coach, il te dit qu’il faut y aller, et puis que vous allez faire une séance de groupe, quoi.

Jules RIBSTEIN : Non, de toute façon, moi, ça me va bien, tu sais, j’ai 38 ans, j’ai deux enfants, l’époque sport-études, je l’ai vécu, j’ai plus envie de faire du sport-études, j’ai envie de faire du triathlon de manière professionnelle, mais comme je veux, donc ça me va très bien, après, pour que les gens se rendent encore plus compte, je nageais dans le public, jusqu’à deux mois avant les Jeux, donc, voilà, ça, par contre, c’était un gros souci, et j’ai eu du mal à le résoudre, alors, voilà, pour le futur, je pense que ce ne sera plus un problème, mais jusqu’à présent, c’était compliqué.

Ermanno : Tu parles de ces fameuses séances, moi, j’ai repris la natation en début de semaine, où tu vas, tu as trois lignes pour le public, et puis, dans chacune des lignes, de toute façon, tu as soit un mamie qui fait de la brasse en écartant les jambes sur toute la longueur de la ligne, ou la star qui nage deux fois par semaine, et puis qui ne veut pas te laisser passer quand tu doubles alors que tu as deux mecs en face, c’est ça ?

Jules RIBSTEIN : Ouais, c’était ça, mon quotidien, pendant pendant pendant 7 ans, et voilà, après, j’ai réussi à composer avec, et puis, bon, quand tu n’as pas les solutions, tu t’adaptes toujours, quand tu n’as pas voilà, il y avait des réticences au niveau de la ville, bon, c’est comme ça, je ne peux pas…

Charly : Ce qui est terrible et flagrant sur ce niveau de performance que toi, tu peux avoir, et les conditions qui sont hyper difficiles. Déjà, on en discute assez souvent sur le podcast avec des triathlètes valides, qui ont plus d’exposition, et donc, normalement, un peu plus de moyens, mais sur des paras, c’est terrible qu’un mec comme toi qui va chercher une médaille d’or paralympique, soit obligé deux mois avant les JO de nager encore dans une piscine en public, quoi, c’est c’est triste comme

Jules RIBSTEIN : constat, quoi. Bah, en fait, tu vois, après le premier titre mondial, deuxième titre mondial, quatrième titre mondial, je me disais, bah, ils vont quand même se réveiller, on avait initié des démarches, on avait sollicité, mais non. Et du coup, à un moment, j’ai arrêté de demander. Après, je me suis dit, ok, il y a huit piscines à Strasbourg, mais ça a l’air de poser problème que j’ai une ligne, et on ne demandait pas tout, on demandait trois fois par semaine sur les cinq, pour dire, on ne va pas les faire chier

Ermanno : cinq fois. Puis, ce n’est pas la journée, enfin, tu nages une heure ou deux, quoi, tu nages pas la journée.

Jules RIBSTEIN : À la fin, on avait même dit, à la fin, on disait même, en fait, pendant les chauffes et la récup, on reste dans le public, mais pendant la série, vous nous mettez juste, vous virez les gens, quoi. Donc, la série, ça dure trois quarts d’heure, à peu près, tu vois, et bah non. ‘est un truc de dingue. Et en plus, bah, tu vois, ça nageait quand même bien, parce que je nageais, enfin, d’ailleurs, ils ont repris les autres, mais avec Nathan Gerber, qui n’est quand même pas une tanche, enfin, des gars comme ça, tu vois. Et en fait, non, en fait, on était trois-quatre, et on faisait quand même pas mal de bordel dans la ligne, mais les gens, ils restaient.

Ermanno : Ouais, parce qu’en plus, c’était une ligne mutualisée que vous demandiez, enfin, vous étiez trois-quatre, ce n’était pas juste toi, tout seul, tu demandais ton petit truc, quoi.

Jules RIBSTEIN : Ouais, bah, tu vois, des gars comme Nathan, qui ont gagné le triathlon de l’Alpe d’Huez, en fait, lui, s’il n’a pas de pépin physique, il est un peu emmerdé ces dernières années, mais des gars comme ça, il n’y en a pas 36 000 en France, non plus, tu vois, et en Alsace, il n’y en a plus beaucoup, et bah, en fait, les gars, ils ont même, enfin, voilà, si ça les dépasse, quoi, ils ne se rendent pas compte.

Ermanno : Et les JO, ça n’a pas changé, ça, justement ?

Jules RIBSTEIN : Si, j’ai eu une ligne, quand je suis revenu des Jeux, deux semaines après,

Ermanno : j’avais ma ligne. Et trois semaines après, tu t’es pété la clavicule et tu n’y allais plus.

Jules RIBSTEIN : Ouais, un mois et demi après, je me suis pété la clavicule.

Ermanno : Bon, écoute, au moins,

Jules RIBSTEIN : les démarches sont initiées. Mais là, là, tu vois, quand je te disais que j’ai repris la semaine dernière, je vais nager dans le public, parce que, franchement, avec le niveau que j’ai, je n’ose même pas demander une ligne en ce moment. Non, mais c’est vrai, je veux dire, après, il y a des moments où c’est vraiment important, mais là, je peux très bien, pour faire ce que je fais, je peux aller nager dans le public. Je ne sais pas, c’est pas grave, quoi.

Charly : Pour l’instant, les petites mamies

Jules RIBSTEIN : sont tranquilles. Voilà, c’est ça.

Ermanno : Tu me diras quand tu iras, on ira à Strasbourg nager, parce que moi, nager à côté de Jules, ça me va bien. Ouais, avec plaisir. Bon, par contre, il faudra que tu mettes une main dans le dos, s’il te plaît, comme ça, je serai sûr de nager derrière toi.

Jules RIBSTEIN : Ouais, là, en ce moment, je fais du un bras, des fois, tu vois, donc, un bras, une jambe, tu devrais réussir à tenir quand même.

Ermanno : Ça dépend de quel niveau on part. Bon, c’était cool. Charly, une dernière question ?

Charly : Non, j’aurais encore des milliers de questions sur l’organisation, le quotidien, l’encadrement, les enjeux sportifs pour 2025, peut-être, on va terminer là-dessus. Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour 2025, Jules, sur les échéances sportives ? Alors, déjà, on l’a compris de revenir en forme, mais s’il y avait une course à gagner en 2025, ce serait

Jules RIBSTEIN : laquelle ? En fait, clairement, il faudrait que je fasse une perf aux championnats du monde. Donc, ce sera en Australie, fin septembre, je crois. Pourquoi ? Parce que déjà, parce que j’ai envie de reprendre mon titre que j’ai laissé sur chute l’année passée. Et aussi parce que j’ai parce que ça rentre dans le processus des listes de sportifs de haut niveau et que pour rester quand même dans les clous, ce serait bien que je gagne le mondial.

Jules RIBSTEIN : Donc, voilà. C’est le pire qu’on te souhaite.

Ermanno : Moi, j’ai une dernière question. Le podcast s’appelle Devenir Triathlète. Toi qui as été Triathlète Valide et Triathlète Para maintenant, comment on fait ? Quelle est ta meilleure réponse à la question ? Comment devenir triathlète ?

Jules RIBSTEIN : Ah !

Jules RIBSTEIN : Franchement, il faut juste essayer, je pense. Il faut essayer et il faut se rendre dans une structure, club ou quoi, pour commencer à rencontrer du monde et à côtoyer des gens qui pratiquent déjà. Parce que de loin, ça peut paraître un peu compliqué. C’est trois sports, il faut du matériel, machin. Mais en fait, quand t’es avec d’autres gens qui le font déjà, tu rends compte qu’il y a quelques petites choses à penser, mais ça va très très vite. Et puis, on n’a pas besoin, pour devenir triathlète, de s’entraîner dans les trois sports toutes les semaines. On peut profiter du triathlon en faisant trois séances par semaine. Ça suffit pour devenir triathlète.

Ermanno : Et pour devenir paratriathlète, parce que justement, là, on rentre plus sur les problèmes de matériel, de mécanique, de staff, enfin, ceux qui sont atteints de cécité ou qui ont des problèmes de vue, ceux qui sont amputés plus lourdement ou ceux qui sont en fauteuil, c’est pas le même délire. Même toi, tu nous dis, là, pour Paris, il y avait deux zones de transition, donc il faut deux, trois, quatre prothèses, quoi.

Jules RIBSTEIN : Ouais, ça, c’est des enjeux techniques qui, c’est vrai, qui sont souvent un frein au démarrage de pratiques sportives, pas seulement le triathlon para. Parce que, en fait, déjà, ça a un coût, et donc ça, c’est assez, assez, ben, voilà,

Jules RIBSTEIN : dissuasif, on va dire, quand tu veux commencer. Et puis, ensuite, c’est pareil, la difficulté, c’est de trouver des structures dans lesquelles tu peux t’entraîner parce qu’elles acceptent le public para. C’est pas toujours le cas. Donc, voilà, c’est plutôt, ben, déjà, l’acquisition du matériel qui te permet de pratiquer. Alors, pour y arriver, ben, il faut, il faut souvent, il faut souvent user un petit peu de magouille au début, quoi, pour réussir à financer ou pour, partiellement, avec des partenaires, avec des clubs, voilà. Donc, ça, c’est sûr que c’est compliqué. Tant que les appareillages de sport ne seront pas pris en charge en partie ou entièrement par la sécu, ça va être, ça va être toujours compliqué, hein, d’accéder à ces matériels-là.

Ermanno : Et tiens, pour toi, ça coûte combien, une prothèse ?

Jules RIBSTEIN : Alors, la prothèse de course à pied, aujourd’hui, elle est facturée 18 000.

Ermanno : C’est plus cher qu’un vélo.

Jules RIBSTEIN : Donc, c’est, moi, à l’époque, je l’avais payée 12 en 2016. Et donc, c’est, tu vois, c’est vrai que quand tu te dis, ben, attends, est-ce que j’ai vraiment envie de courir, quoi ?

Ermanno : Et tout ça pour ne pas te, ne pas, en plus, t’éviter les douleurs parce que tu disais, c’est un sujet que tu dois, tu dois gérer aussi quand tu fais du paramétrage.

Jules RIBSTEIN : Ouais, ben, c’est sûr. Mais après, je veux dire, avec tout handicap, t’as des contraintes qui sont, voilà, qui sont celles qu’elles sont, mais dans la vie quotidienne, déjà. Donc, en fait, faire du sport, après, par-dessus, c’est des contraintes en termes de douleurs et tout, mais ça apporte aussi des bienfaits qui sont vraiment pas négligeables, quoi. Donc, l’un dans l’autre, je préfère, avoir souffert de temps en temps sur mes lombaires et mon moignon et tout, et avoir la condition physique que j’ai eue jusqu’à il y a trois mois, quoi.

Ermanno : Bon, ben, écoute, Jules, merci beaucoup. Pour finir, où est-ce qu’on te retrouve, où est-ce qu’on te suit, où est-ce qu’on t’encourage ?

Jules RIBSTEIN : Vous me retrouvez sur mes réseaux, sur Instagram et puis LinkedIn, et voilà, c’est tout. Après, comme je disais avant, je suis pas très, très com, mais voilà, c’est tout. Et puis sur les réseaux de la FEDE.

Charly : Ça marche. Ouais. On espère avec plein de médailles d’or autour du cou.

Jules RIBSTEIN : Ouais, ouais, ben moi aussi, je m’en souhaite encore.

Ermanno : Merci beaucoup. Merci beaucoup,

Jules RIBSTEIN : Jules. À très bientôt. Merci, Jules. Merci, les gars. Bonne journée à vous. Salut. Merci. Salut.

Ermanno : C’était Devenir Triathlète x OpenTri. Merci d’avoir écouté cet épisode jusqu’au bout. Nous, on a pris beaucoup de plaisir à l’enregistrer. Alors, si ça vous a plu, vous pouvez nous suivre sur nos réseaux sociaux, Instagram, LinkedIn, et Facebook. On se rejoint maintenant sur devenir-triathlète.com. Vous allez retrouver l’ensemble des épisodes, mais aussi des outils, des ressources et des conseils gratuits pour débuter, progresser ou performer en triathlon. On ajoute toutes les semaines de nouvelles ressources. Si vous avez une idée d’invité, n’hésitez pas à nous envoyer un petit message. Et si vous voulez être accompagné sur vos prochains objectifs sportifs, connectez-vous sur OpenTri.fr et on se fera un plaisir de vous aider. Alors, n’hésitez pas, on se retrouve tout de suite sur devenir-triathlète.com et OpenTri.fr. Salut les sportifs !

🚴🏻 Un peu plus sur notre invité ?

Mini-biographie de Jules RIBSTEIN

Jules Ribstein est un athlète paralympique français exceptionnel, médaillé d’or aux Jeux Paralympiques de Paris 2024 dans la catégorie PTS2.

Âgé de 38 ans et père de deux enfants, il a débuté le triathlon à l’âge de 14 ans avant de connaître un tournant tragique dans sa vie avec un accident de moto à 22 ans, entraînant une amputation.

Après une pause de près d’une demie-décennie, il a retrouvé la passion du sport en 2017, se lançant dans le paratriathlon avec une détermination sans faille.

Jules a rapidement gravi les échelons, remportant plusieurs titres mondiaux. Il est devenu un pilier du triathlon handisport en France. Son parcours est marqué par une résilience remarquable et une volonté de surmonter les défis liés à son handicap.

En plus de ses exploits sportifs, il est également salarié du ministère de la Défense, illustrant son engagement envers le sport de haut niveau.

Jules incarne l’esprit de dépassement de soi et inspire de nombreux athlètes à travers son histoire, prouvant que la passion et la détermination peuvent mener à des sommets inespérés.

🎙️ Écoutez d'autres épisodes